37603.fb2 Consuelo - читать онлайн бесплатно полную версию книги . Страница 221

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injurieuse, selon ses préjugés espagnols. Et moi j'étais, je suis encore

connue dans ce pays-là, sous le titre de Zingarella.

--Que n'es-tu en effet un enfant de cette race persécutée! Répondit

Albert: je t'aimerais encore davantage, s'il était possible!»

Consuelo, qui avait cru bien faire en rappelant au comte de Rudolstadt

La différence de leurs origines et de leurs conditions, se souvint de ce

qu'Amélie lui avait appris des sympathies d'Albert pour les pauvres et

les vagabonds. Elle craignit de s'être abandonnée involontairement à un

sentiment de coquetterie instinctive, et garda le silence.

Mais Albert le rompit au bout de quelques instants.

«Ce que vous venez de m'apprendre, dit-il, a réveillé en moi, par je ne

sais quel enchaînement d'idées, un souvenir de ma jeunesse, assez puéril,

mais qu'il faut que je vous raconte, parce que, depuis que je vous ai vue,

il s'est présenté plusieurs fois à ma mémoire avec une sorte d'insistance.

Appuyez-vous sur moi davantage, pendant que je vous parlerai, chère soeur.

«J'avais environ quinze ans; je revenais seul, un soir, par un des

sentiers qui côtoient le Schreckenstein, et qui serpentent sur les

collines, dans la direction du château. Je vis devant moi une femme grande

et maigre, misérablement vêtue, qui portait un fardeau sur ses épaules,

et qui s'arrêtait de roche en roche pour s'asseoir et reprendre haleine.

Je l'abordai. Elle était belle, quoique hâlée par le soleil et flétrie par

la misère et le souci. Il y avait sous ses haillons une sorte de fierté

douloureuse; et lorsqu'elle me tendit la main, elle eut l'air de commander

à ma pitié plutôt que de l'implorer. Je n'avais plus rien dans ma bourse,

et je la priai de venir avec moi jusqu'au château, où je pourrais lui

offrir des secours, des aliments, et un gîte pour la nuit.

«--Je l'aime mieux ainsi, me répondit-elle avec un accent étranger que je

pris pour celui des vagabonds égyptiens; car je ne savais pas à cette

époque les langues que j'ai apprises depuis dans mes voyages. Je pourrai,

ajouta-t-elle, vous payer l'hospitalité que vous m'offrez, en vous faisant

entendre quelques chansons des divers pays que j'ai parcourus. Je demande

rarement l'aumône; il faut que j'y sois forcée par une extrême détresse.

--Pauvre femme! lui dis-je, vous portez un fardeau bien lourd; vos

pauvres pieds presque nus sont blessés. Donnez-moi ce paquet, je le

porterai jusqu'à ma demeure, et vous marcherez plus librement.

--Ce fardeau devient tous les jours plus pesant, répondit-elle avec un

sourire mélancolique qui l'embellit tout à fait; mais je ne m'en plains

pas. Je le porte depuis plusieurs années, et j'ai fait des centaines

de lieues avec lui sans regretter ma peine. Je ne le confie jamais à

personne; mais vous avez l'air d'un enfant si bon, que je vous le

prêterai jusque là-bas.

A ces mots, elle ôta l'agrafe du manteau qui la couvrait tout entière,

et qui ne laissait passer que le manche de sa guitare. Je vis alors

un enfant de cinq à six ans, pâle et hâlé comme sa mère, mais d'une

physionomie douce et calme qui me remplit le coeur d'attendrissement.

C'était une petite fille toute déguenillée, maigre, mais forte, et qui

dormait du sommeil des anges sur ce dos brûlant et brisé de la chanteuse

ambulante. Je la pris dans mes bras, et j'eus bien de la peine à l'y

garder: car, en s'éveillant, et en se voyant sur un sein étranger, elle

se débattit et pleura. Mais sa mère lui parla dans sa langue pour la