37603.fb2 Consuelo - читать онлайн бесплатно полную версию книги . Страница 23

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si tard, si tu as été inquiète, si tu m'accusais?

--Rien de tout cela, répondit-elle en lui jetant ses bras au cou avec

candeur. Si je me suis impatientée, ce n'est pas contre toi; si je suis

fatiguée, si j'ai eu froid, je ne m'en ressens plus depuis que tu es là;

si j'ai soupé je ne m'en souviens pas; si je t'ai accusé ... de quoi

t'aurais-je accusé? si j'ai été inquiète ... pourquoi l'aurais-je été?

si je t'en veux? jamais.

--Tu es un ange, toi! dit Anzoleto en l'embrassant. Ah! ma consolation!

que les autres coeurs sont perfides et durs!

--Hélas! qu'est-il donc arrivé? quel mal a-t-on fait là-bas au _fils de

mon âme?_ dit Consuelo, mêlant au gentil dialecte vénitien les

métaphores hardies et passionnées de sa langue natale.

Anzoleto raconta tout ce qui lui était arrivé, même ses galanteries

auprès de la Corilla, et surtout les agaceries qu'il en avait reçues.

Seulement, il raconta les choses d'une certaine façon, disant tout ce

qui ne pouvait affliger Consuelo, puisque, de fait et d'intention, il

lui avait été fidèle, et c'était _presque_ toute la vérité. Mais il y a

centième partie de vérité que nulle enquête judiciaire n'a jamais

éclairée, que nul client n'a jamais confessée à son avocat, et que nul

arrêt n'a jamais atteinte qu'au hasard, parce que dans ce peu de faits

ou d'intentions qui reste mystérieux, est la cause tout entière, le

motif, le but, le mot enfin de ces grands procès toujours si mal plaidés

et toujours si mal jugés, quelles que soient la passion des orateurs et

la froideur des magistrats.

Pour en revenir à Anzoleto, il n'est pas besoin de dire quelles

peccadilles il passa sous silence, quelles émotions ardentes devant le

public il traduisit à sa manière, et quelles palpitations étouffées dans

la gondole il oublia de mentionner. Je crois même qu'il ne parla point

du tout de la gondole, et qu'il rapporta ses flatteries à la cantatrice

comme les adroites moqueries au moyen desquelles il avait échappé sans

l'irriter aux périlleuses avances dont elle l'avait accablé. Pourquoi,

ne voulant pas et ne pouvant pas dire le fond des choses, c'est-à-dire

la puissance des tentations qu'il avait surmontées par prudence et par

esprit de conduite, pourquoi, dites-vous, chère lectrice, ce jeune

fourbe allait-il risquer d'éveiller la jalousie de Consuelo? Vous me le

demandez, Madame? Dites-moi donc si vous n'avez pas pour habitude de

conter à l'amant, je veux dire à l'époux de votre choix, tous les

hommages dont vous avez été entourée par les autres, tous les aspirants

que vous avez éconduits, tous les rivaux que vous avez sacrifiés, non

seulement avant l'hymen, mais après, mais tous les jours de bal, mais

hier et ce matin encore! Voyons, Madame, si vous êtes belle, comme je me

complais à le croire, je gage ma tête que vous ne faites point autrement

qu'Anzoleto, non pour vous faire valoir, non pour faire souffrir un âme

jalouse, non pour enorgueillir un coeur trop orgueilleux déjà de vos

préférences; mais parce qu'il est doux d'avoir près de soi quelqu'un à

qui l'on puisse raconter ces choses-là, tout en ayant l'air d'accomplir

un devoir, et de se confesser en se vantant au confesseur. Seulement,

Madame, vous ne vous confessez que de _presque tout_. Il n'y a qu'un

tout petit rien, dont vous ne parlez jamais; c'est le regard, c'est le

sourire qui ont provoqué l'impertinente déclaration du présomptueux dont