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contre la sympathie qui l'excitait à l'interroger sérieusement. Chaque
fois qu'il avait essayé de redresser ses hérésies, il avait été réduit au
silence par des arguments pleins de droiture et de fermeté. La nature ne
l'avait point fait éloquent. Il n'avait pas cette faconde animée qui
entretient la controverse, encore moins ce charlatanisme de discussion
qui, à défaut de logique, en impose par un air de science et des
fanfaronnades de certitude. Naïf et modeste, il se laissait fermer la
bouche; il se reprochait de n'avoir pas mis à profit les années de sa
jeunesse pour s'instruire de ces choses profondes qu'Albert lui opposait;
et, certain qu'il y avait dans les abîmes de la science théologique des
trésors de vérité, dont un plus habile et plus érudit que lui eût pu
écraser l'hérésie d'Albert, il se cramponnait à sa foi ébranlée, se
rejetant, pour se dispenser d'agir plus énergiquement, sur son ignorance
et sa simplicité, qui enorgueillissaient trop le rebelle et lui faisaient
ainsi plus de mal que de bien.
Leur entretien, vingt fois interrompu par une sorte de crainte mutuelle,
et vingt fois repris avec effort de part et d'autre, finit donc par tomber
de lui-même. Le vieux Christian s'assoupit sur son fauteuil, et Albert
le quitta pour aller s'informer de l'état de Consuelo, qui l'alarmait
d'autant plus qu'on faisait plus d'efforts pour le lui cacher.
Il passa plus de deux heures à errer dans les corridors du château,
guettant la chanoinesse et le chapelain au passage pour leur demander
des nouvelles. Le chapelain s'obstinait à lui répondre avec concision
et réserve; la chanoinesse se composait un visage riant dès qu'elle
l'apercevait, et affectait de lui parler d'autre chose, pour le tromper
par une apparence de sécurité. Mais Albert voyait bien qu'elle commençait
à se tourmenter sérieusement, qu'elle faisait des voyages toujours plus
fréquents à la chambre de Consuelo; et il remarquait qu'on ne craignait
pas d'ouvrir et de fermer à chaque instant les portes, comme si ce sommeil
prétendu paisible et nécessaire, n'eût pu être troublé par le bruit et
l'agitation.
Il s'enhardit jusqu'à approcher de cette chambre où il eût donné sa vie
pour pénétrer un seul instant. Elle était précédée d'une première pièce,
et séparée du corridor par deux portes épaisses qui ne laissaient de
passage ni à l'oeil ni à l'oreille. La chanoinesse, remarquant cette
tentative, avait tout fermé et verrouillé, et ne se rendait plus auprès de
la malade qu'en passant par la chambre d'Amélie qui y était contiguë, et
où Albert n'eût été chercher des renseignements qu'avec une mortelle
répugnance. Enfin, le voyant exaspéré, et craignant le retour de son mal,
elle prit sur elle de mentir; et, tout en demandant pardon à Dieu dans son
coeur, elle lui annonça que la malade allait beaucoup mieux, et qu'elle
se promettait de descendre pour dîner avec la famille.
Albert ne se méfia pas des paroles de sa tante, dont les lèvres pures
n'avaient jamais offensé la vérité ouvertement comme elles venaient de
le faire; et il alla retrouver le vieux comte, en hâtant de tous ses
voeux l'heure qui devait lui rendre Consuelo et le bonheur.
Mais cette heure sonna en vain; Consuelo ne parut point. La chanoinesse,
faisant de rapides progrès dans l'art du mensonge, raconta qu'elle s'était
levée, mais qu'elle s'était sentie un peu faible, et avait préféré dîner