37603.fb2 Consuelo - читать онлайн бесплатно полную версию книги . Страница 238

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soleil donnait plus longtemps, et d'où la vue était encore plus belle et

plus vaste que de toutes les autres croisées. Cette chambre, meublée à

l'antique, était aussi plus conforme aux goûts sérieux de Consuelo que

celle dont on avait disposé pour elle dans le principe: et il y avait

longtemps qu'elle avait laissé percer son désir de l'habiter. Elle y fut à

l'abri des importunités de sa compagne, et, malgré la présence continuelle

d'une femme que l'on relevait chaque matin et chaque soir, elle put passer

dans une sorte de tête-à-tête avec celui qui l'avait sauvée, les jours

languissants et doux de sa convalescence. Ils parlaient toujours espagnol

ensemble, et l'expression délicate et tendre de la passion d'Albert était

plus douce à l'oreille de Consuelo dans cette langue, qui lui rappelait

sa patrie, son enfance et sa mère. Pénétrée d'une vive reconnaissance,

affaiblie par des souffrances où Albert l'avait seul assistée et soulagée

efficacement, elle se laissait aller à cette molle quiétude qui suit les

grandes crises. Sa mémoire se réveillait peu à peu, mais sous un voile

qui n'était pas partout également léger. Par exemple, si elle se

retraçait avec un plaisir pur et légitime l'appui et le dévouement

d'Albert dans les principales rencontres de leur liaison, elle ne voyait

les égarements de sa raison, et le fond trop sérieux de sa passion pour

elle, qu'à travers un nuage épais. Il y avait même des heures où, après

l'affaissement du sommeil ou sous l'effet des potions assoupissantes, elle

s'imaginait encore avoir rêvé tout ce qui pouvait mêler de la méfiance et

de la crainte à l'image de son généreux ami. Elle s'était tellement

habituée à sa présence et à ses soins, que, s'il s'absentait à sa prière

pour prendre ses repas en famille, elle se sentait malade et agitée

jusqu'à son retour. Elle s'imaginait que les calmants qu'il lui

administrait avaient un effet contraire, s'il ne les préparait et s'il

ne les lui versait de sa propre main; et quand il les lui présentait

lui-même, elle lui disait avec ce sourire lent et profond, et si touchant

sur un beau visage encore à demi couvert des ombres de la mort:

«Je crois bien maintenant, Albert, que vous avez la science des

enchantements; car il suffit que vous ordonniez à une goutte d'eau de

m'être salutaire, pour qu'aussitôt elle fasse passer en moi le calme et

la force qui sont en vous.»

Albert était heureux pour la première fois de sa vie; et comme si son âme

eût été puissante pour la joie autant qu'elle l'avait été pour la

douleur, il était, à cette époque de ravissement et d'ivresse, l'homme

le plus fortuné qu'il y eût sur la terre. Cette chambre, où il voyait sa

bien-aimée à toute heure et sans témoins importuns, était devenue pour lui

un lieu de délices. La nuit, aussitôt qu'il avait fait semblant de se

retirer et que tout le monde était couché dans la maison, il la traversait

à pas furtifs; et, tandis que la garde chargée de veiller dormait

profondément, il se glissait derrière le lit de sa chère Consuelo, et la

regardait sommeiller, pâle et penchée comme une fleur après l'orage. Il

s'installait dans un grand fauteuil qu'il avait soin de laisser toujours

là en partant; et il y passait la nuit entière, dormant d'un sommeil si

léger qu'au moindre mouvement de la malade il était courbé vers elle pour

entendre les faibles mots qu'elle venait d'articuler; ou bien sa main

toute prête recevait la main qui le cherchait, lorsque Consuelo, agitée de

quelque rêve, témoignait un reste d'inquiétude. Si la garde se réveillait,