37603.fb2 Consuelo - читать онлайн бесплатно полную версию книги . Страница 24

Consuelo - читать онлайн бесплатно полную версию книги . Страница 24

vous vous plaignez. Ce sourire, ce regard, ce rien, c'est précisément la

gondole dont Anzoleto, heureux de repasser tout haut dans sa mémoire les

enivrements de la soirée, oublia de parler à Consuelo. Heureusement pour

la petite Espagnole, elle ne savait point encore ce que c'est que la

jalousie: ce noir et amer sentiment ne vient qu'aux âmes qui ont

beaucoup souffert, et jusque-là Consuelo était aussi heureuse de son

amour qu'elle était bonne. La seule circonstance qui fit en elle une

impression profonde, ce fut l'oracle flatteur et sévère prononcé par son

respectable maître, le professeur Porpora, sur la tête adorée

d'Anzoleto. Elle fit répéter à ce dernier les expressions dont le maître

s'était servi; et après qu'il les lui eut exactement rapportées, elle y

pensa longtemps et demeura silencieuse.

«Consuelina, lui dit Anzoleto sans trop s'apercevoir de sa rêverie, je

t'avoue que l'air est extrêmement frais. Ne crains-tu pas de t'enrhumer?

Songe, ma chérie, que notre avenir repose sur ta voix encore plus que

sur la mienne ...

--Je ne m'enrhume jamais, répondit-elle; mais toi, tu es si peu vêtu

avec tes beaux habits! Tiens, enveloppe-toi de ma mantille.

--Que veux-tu que je fasse de ce pauvre morceau de taffetas percé à

jour? J'aimerais bien mieux me mettre à couvert une demi-heure dans ta

chambre.

--Je le veux bien, dit Consuelo: mais alors il ne faudra pas parler; car

les voisins pourraient nous entendre, et ils nous blâmeraient. Ils ne

sont pas méchants; ils voient nos amours sans trop me tourmenter, parce

qu'ils savent bien que jamais tu n'entres chez moi la nuit. Tu ferais

mieux d'aller dormir chez toi.

--Impossible! on ne m'ouvrira qu'au jour, et j'ai encore trois heures à

grelotter. Tiens, mes dents claquent dans ma bouche.

--En ce cas, viens, dit Consuelo en se levant; je t'enfermerai dans ma

chambre, et je reviendrai sur la terrasse pour que, si quelqu'un nous

observe, il voie bien que je ne fais pas de scandale.»

--Elle le conduisit en effet dans sa chambre: c'était une assez grande

pièce délabrée, où les fleurs peintes à fresque sur les murs

reparaissaient ça et là sous une seconde peinture encore plus grossière

et déjà presque aussi dégradée. Un grand bois de lit carré avec une

paillasse d'algues marines, et une couverture d'indienne piquée fort

propre, mais rapetassée en mille endroits avec des morceaux de toutes

couleurs, une chaise de paille, une petite table, une guitare fort

ancienne, et un Christ de filigrane, uniques richesses que sa mère lui

avait laissées; une petite épinette, et un gros tas de vieille musique

rongée des vers, que le professeur Porpora avait la générosité de lui

prêter: tel était l'ameublement de la jeune artiste, fille d'une pauvre

Bohémienne, élève d'un grand maître et amoureuse d'un bel aventurier.

Comme il n'y avait qu'une chaise, et que la table était couverte de

musique, il n'y avait qu'un siège pour Anzoleto; c'était le lit, et il

s'en accommoda sans façon. A peine se fut-il assis sur le bord, que la

fatigue s'emparant de lui, il laissa tomber sa tête sur un gros coussin

de laine qui servait d'oreiller, en disant:

«Oh! ma chère petite femme, je donnerais en cet instant tout ce qui me

reste d'années à vivre pour une heure de bon sommeil, et tous les