37603.fb2 Consuelo - читать онлайн бесплатно полную версию книги . Страница 240

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voulait pas se montrer tant qu'il ne sentait pas ses rapports avec lui

entièrement rétablis. Ce souvenir de la vie actuelle et positive, nous

l'avons tous, lorsque les rêves d'un sommeil pénible nous jettent dans la

vie des fictions et du délire. Nous nous débattons parfois contre ces

chimères et ces terreurs de la nuit, tout en nous disant qu'elles sont

l'effet du cauchemar, et en faisant des efforts pour nous réveiller;

mais un pouvoir ennemi semble nous saisir à plusieurs reprises, et nous

replonger dans cette horrible léthargie, où des spectacles toujours plus

lugubres et des douleurs toujours plus poignantes nous assiègent et nous

torturent.

C'est dans une alternative analogue que s'écoulait la vie puissante et

misérable de cet homme incompris, qu'une tendresse active, délicate, et

intelligente, pouvait seule sauver de ses propres détresses. Cette

tendresse s'était enfin manifestée dans son existence. Consuelo était

vraiment l'âme candide qui semblait avoir été formée pour trouver le

difficile accès de cette âme sombre et jusque là fermée à toute sympathie

complète. Il y avait dans la sollicitude qu'un enthousiasme romanesque

avait fait naître d'abord chez cette jeune fille, et dans l'amitié

respectueuse que la reconnaissance lui inspirait depuis sa maladie,

quelque chose de suave et de touchant que Dieu, sans doute, savait

particulièrement propre à la guérison d'Albert. Il est fort probable que

si Consuelo, oublieuse du passé, eût partagé l'ardeur de sa passion, des

transports si nouveaux dans sa vie, et une joie si subite, l'eussent

exalté de la manière la plus funeste. L'amitié discrète et chaste qu'elle

lui portait devait avoir pour son salut des effets plus lents, mais plus

sûrs. C'était un frein en même temps qu'un bienfait; et s'il y avait une

sorte d'ivresse dans le coeur renouvelé de ce jeune homme, il s'y mêlait

une idée de devoir et de sacrifice qui donnait à sa pensée d'autres

aliments, et à sa volonté un autre but que ceux qui l'avaient dévoré

jusque là. Il éprouvait donc, à la fois, le bonheur d'être aimé comme il

ne l'avait jamais été, la douleur de ne pas l'être avec l'emportement

qu'il ressentait lui-même, et la crainte de perdre ce bonheur en ne

paraissant pas s'en contenter. Ce triple effet de son amour remplit

bientôt son âme, au point de n'y plus laisser de place pour les rêveries

vers lesquelles son inaction et son isolement l'avaient forcé pendant si

longtemps de se tourner. Il en fut délivré comme par la force d'un

enchantement; car il les oublia, et l'image de celle qu'il aimait tint

ses maux à distance, et sembla s'être placée entre eux et lui, comme un

bouclier céleste.

Le repos d'esprit et le calme de sentiment qui étaient si nécessaires au

rétablissement de la jeune malade ne furent donc plus que bien légèrement

et bien rarement troublés par les agitations secrètes de son médecin.

Comme le héros fabuleux, Consuelo était descendue dans le Tartare pour en

tirer son ami, et elle en avait rapporté l'épouvante et l'égarement. A son

tour il s'efforça de la délivrer des sinistres hôtes qui l'avaient suivie,

et il y parvint à force de soins délicats et de respect passionné. Ils

recommençaient ensemble une vie nouvelle, appuyés l'un sur l'autre,

n'osant guère regarder en arrière, et ne se sentant pas la force de se

replonger par la pensée dans cet abîme qu'ils venaient de parcourir.

L'avenir était un nouvel abîme, non moins mystérieux et terrible, qu'ils