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le regard de son neveu, comme la perdrix sous l'arrêt du chien qui la
fascine et l'enchaîne.
Mais le comte Christian, sortant de sa rêverie au bout de quelques
instants, répondit à sa soeur comme si elle eût continué de parler, ou
comme s'il eût pu lire dans son esprit les révélations qu'elle voulait lui
faire.
«Chère soeur, dit-il, si j'ai un conseil à vous donner, c'est de ne pas
vous tourmenter de choses auxquelles vous n'entendez rien. Vous n'avez su
de votre vie ce que c'était qu'une inclination de coeur, et l'austérité
d'une chanoinesse n'est pas la règle qui convient à un jeune homme.
--Dieu vivant! murmura la chanoinesse bouleversée, ou mon frère ne
veut pas me comprendre, ou sa raison et sa piété l'abandonnent.
Serait-il possible qu'il voulût encourager par sa faiblesse ou traiter
légèrement....
--Quoi? ma tante, dit Albert d'un ton ferme et avec une physionomie
sévère. Parlez, puisque vous êtes condamnée à le faire. Formulez
clairement votre pensée. Il faut que cette contrainte finisse, et que
nous nous connaissions les uns les autres.
--Non, ma soeur, ne parlez pas, répondit le comte Christian; vous n'avez
rien de neuf à me dire. Il y a longtemps que je vous entends à merveille
sans en avoir l'air. Le moment n'est pas venu de s'expliquer sur ce sujet.
Quand il en sera temps, je sais ce que j'aurai à faire.»
Il affecta aussitôt de parler d'autre chose, et laissa la chanoinesse
consternée, Albert incertain et troublé.
Quand le chapelain sut de quelle manière le chef de la famille avait reçu
l'avis indirect qu'il lui avait fait donner, il fut saisi de crainte.
Le comte Christian, sous un air d'indolence et d'irrésolution, n'avait
Jamais été un homme faible. Parfois on l'avait vu sortir d'une sorte de
Somnolence par des actes de sagesse et d'énergie. Le prêtre eut peur
d'avoir été trop loin et d'être réprimandé. Il s'attacha donc à détruire
son ouvrage au plus vite, et à persuader à la chanoinesse de ne plus se
mêler de rien. Quinze jours s'écoulèrent de la manière la plus paisible,
sans que rien pût faire pressentir à Consuelo qu'elle était un sujet de
trouble dans la famille. Albert continua ses soins assidus auprès d'elle,
et lui annonça le départ d'Amélie comme une absence passagère dont il ne
lui fit pas soupçonner le motif. Elle commença à sortir de sa chambre; et
la première fois qu'elle se promena dans le jardin, le vieux Christian
soutint de son bras faible et tremblant les pas chancelants de la
convalescente.
LI.
Ce fut un bien beau jour pour Albert que celui où il vit sa Consuelo
reprendre à la vie, appuyée sur le bras de son vieux père, et lui tendre
la main en présence de sa famille, en disant avec un sourire ineffable:
«Voici celui qui m'a sauvée, et qui m'a soignée comme si j'étais sa
soeur.»
Mais ce jour, qui fut l'apogée de son bonheur, changea tout à coup, et
plus qu'il ne l'avait voulu prévoir, ses relations avec Consuelo.
Désormais associée aux occupations et rendue aux habitudes de la famille,
elle ne se trouva plus que rarement seule avec lui. Le vieux comte, qui