37603.fb2 Consuelo - читать онлайн бесплатно полную версию книги . Страница 257

Consuelo - читать онлайн бесплатно полную версию книги . Страница 257

La crainte de trahir par son émotion un secret qu'elle avait jusque là

Si bien caché au fond de son âme rendit à Consuelo la force de se

contraindre, et de laisser croire à Albert que la situation où il l'avait

surprise n'avait rien d'extraordinaire. Au moment où le jeune comte

l'avait reçue dans ses bras, pâle et prête à défaillir, Anzoleto et son

guide venaient de disparaître au loin dans les sapins, et Albert put

s'attribuer à lui-même le danger qu'elle avait couru de tomber dans

le précipice. L'idée de ce danger, qu'il avait causé sans doute en

l'effrayant par son approche, venait de le troubler lui-même à tel point

qu'il ne s'aperçut guère du désordre de ses réponses dans les premiers

instants. Consuelo, à qui il inspirait encore parfois un certain effroi

superstitieux, craignit d'abord qu'il ne devinât, par la force de ses

pressentiments, une partie de ce mystère. Mais Albert, depuis que l'amour

le faisait vivre de la vie des autres hommes, semblait avoir perdu les

facultés en quelque sorte surnaturelles qu'il avait possédées auparavant.

Elle put maîtriser bientôt son agitation, et la proposition qu'il lui fit

de la conduire à son ermitage ne lui causa pas en ce moment le déplaisir

qu'elle en eût ressenti quelques heures auparavant. Il lui sembla que

l'âme austère et l'habitation lugubre de cet homme si sérieusement dévoué

à son sort s'ouvraient devant elle comme un refuge où elle trouverait le

calme et la force nécessaires pour lutter contre les souvenirs de sa

passion. «C'est la Providence qui m'envoie cet ami au sein des épreuves,

pensa-t-elle, et ce sombre sanctuaire où il veut m'entraîner est là comme

un emblème de la tombe où je dois m'engloutir, plutôt que de suivre la

trace du mauvais génie que je viens de voir passer. Oh! oui, mon Dieu!

Plutôt que de m'attacher à ses pas, faites que la terre s'entr'ouvre

sous les miens, et ne me rende jamais au monde des vivants!».

«Chère Consolation, lui dit Albert, je venais vous dire que ma tante,

ayant ce matin à recevoir et à examiner les comptes de ses fermiers, ne

songeait point à nous, et que nous avions enfin la liberté d'accomplir

notre pèlerinage. Pourtant, si vous éprouvez encore quelque répugnance à

revoir des lieux qui vous rappellent tant de souffrances et de terreurs...

--Non, mon ami, non, répondit Consuelo; je sens, au contraire, que jamais

je n'ai été mieux disposée à prier dans votre église, et à joindre mon âme

à la vôtre sur les ailes de ce chant sacré que vous avez promis de me

faire entendre.»

Ils prirent ensemble, le chemin du Schreckenstein; et, en s'enfonçant

Sous les bois dans la direction opposée à celle qu'Anzoleto avait prise,

Consuelo se sentit soulagée, comme si chaque pas qu'elle faisait pour

s'éloigner de lui eût détruit de plus en plus le charme funeste dont elle

venait de ressentir les atteintes. Elle marchait si vite et si résolument,

quoique grave et recueillie, que le comte Albert eût pu attribuer cet

empressement naïf au seul désir de lui complaire, s'il n'eût conservé

cette défiance de lui-même et de sa propre destinée qui faisait le fond de

son caractère.

Il la conduisit au pied du Schreckenstein, à l'entrée d'une grotte remplie

d'eau dormante et toute obstruée par une abondante végétation.

«Cette grotte, où vous pouvez remarquer quelques traces de construction

voûtée, lui dit-il, s'appelle dans le pays la Cave du Moine. Les uns

pensent que c'était le cellier d'une maison de religieux, lorsque, à la