37603.fb2 Consuelo - читать онлайн бесплатно полную версию книги . Страница 261

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d'écouter une seconde fois. La musique en était originale, et Albert

l'exprimait avec un sentiment si pur et si large, qu'elle oublia toutes

ses angoisses pour approcher doucement du lieu où il se trouvait, attirée

et comme charmée par une puissance magnétique.

LIV.

La porte de _l'église_ était restée ouverte; Consuelo s'arrêta sur le

seuil pour examiner et le virtuose inspiré et l'étrange sanctuaire. Cette

prétendue église n'était qu'une grotte immense, taillée, ou, pour mieux

dire, brisée dans le roc, irrégulièrement, par les mains de la nature, et

creusée en grande partie par le travail souterrain des eaux. Quelques

torches éparses plantées sur des blocs gigantesques éclairaient de reflets

fantastiques les flancs verdâtres du rocher, et tremblotaient devant

de sombres profondeurs, où nageaient les formes vagues des longues

stalactites, semblables à des spectres qui cherchent et fuient tour à tour

la lumière. Les énormes sédiments que l'eau avait déposés autrefois sur

les flancs de la caverne offraient mille capricieux aspects. Tantôt ils

se roulaient comme de monstrueux serpents qui s'enlacent et se dévorent

les uns les autres, tantôt ils partaient du sol et descendaient de la

voûte en aiguilles formidables, dont la rencontre les faisait ressembler

à des dents colossales hérissées à l'entrée des gueules béantes que

formaient les noirs enfoncements du rocher. Ailleurs on eût dit d'informes

statues, géantes représentations des dieux barbares de l'antiquité. Une

végétation rocailleuse, de grands lichens rudes comme des écailles de

dragon, des festons de scolopendre aux feuilles larges et pesantes,

des massifs de jeunes cyprès plantés récemment dans le milieu de

l'enceinte sur des éminences de terres rapportées qui ressemblaient à des

tombeaux, tout donnait à ce lieu un caractère sombre, grandiose, et

terrible, qui frappa vivement la jeune artiste. Au premier sentiment

d'effroi succéda bientôt l'admiration. Elle approcha, et vit Albert

debout, au bord de la source qui surgissait au centre de la caverne. Cette

eau, quoique abondante en jaillissement, était encaissée dans un bassin si

profond, qu'aucun bouillonnement n'était sensible à la surface. Elle était

unie et immobile comme un bloc de sombre saphir, et les belles plantes

aquatiques dont Albert et Zdenko avaient entouré ses marges n'étaient pas

agitées du moindre tressaillement. La source était chaude à son point de

départ, et les tièdes exhalaisons qu'elle répandait dans la caverne y

entretenaient une atmosphère douce et moite qui favorisait la végétation.

Elle sortait de son bassin par plusieurs ramifications, dont les unes

se perdaient sous les rochers avec un bruit sourd, et dont les autres se

promenaient silencieusement en ruisseaux limpides dans l'intérieur de la

grotte, pour disparaître dans les enfoncements obscurs qui en reculaient

indéfiniment les limites.

Lorsque le comte Albert, qui jusque-là n'avait fait qu'essayer les cordes

de son violon, vit Consuelo s'avancer vers lui, il vint à sa rencontre, et

l'aida à franchir les méandres que formait la source, et sur lesquels il

avait jeté quelques troncs d'arbres aux endroits profonds.

En d'autres endroits, des rochers épars à fleur d'eau offraient un passage

facile à des pas exercés. Il lui tendit la main pour l'aider, et la

souleva quelquefois dans ses bras. Mais cette fois Consuelo eut peur, non

du torrent qui fuyait silencieux et sombre sous ses pieds, mais de ce