37603.fb2 Consuelo - читать онлайн бесплатно полную версию книги . Страница 266

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Consuelo, si, parce que je suis issu de ces rois et de ces princes, je

m'élevais dans ma pensée au-dessus de vous?

--Je vous pardonnerais un préjugé que toute votre caste regarde comme

sacré, et contre lequel je n'ai jamais songé à me révolter, heureuse que

je suis d'être née libre et pareille aux petits, que j'aime plus que les

grands.

--Vous me le pardonneriez, Consuelo; mais vous ne m'estimeriez guère; et

vous ne seriez point ici, seule avec moi, tranquille auprès d'un homme qui

vous adore, et certaine qu'il vous respectera autant que si vous étiez

proclamée, par droit de naissance, impératrice de la Germanie. Oh!

laissez-moi croire que, sans cette connaissance de mon caractère et de mes

principes, vous n'auriez pas eu pour moi cette céleste pitié qui vous a

amenée ici la première fois. Eh bien, ma soeur chérie, reconnaissez donc

dans votre coeur, auquel je m'adresse (sans vouloir fatiguer votre esprit

de raisonnements philosophiques), que l'égalité est sainte, que c'est la

volonté du père des hommes, et que le devoir des hommes est de chercher à

l'établir entre eux. Lorsque les peuples étaient fortement attachés aux

cérémonies de leur culte, la communion représentait pour eux toute

l'égalité dont les lois sociales leur permettaient de jouir. Les pauvres

et les faibles y trouvaient une consolation et une promesse religieuse,

qui leur faisait supporter leurs mauvais jours, et espérer, dans l'avenir

du monde, des jours meilleurs pour leurs descendants. La nation bohème

avait toujours voulu observer les mêmes rites eucharistiques que les

apôtres avaient enseignés et pratiqués. C'était bien la communion antique

et fraternelle, le banquet de l'égalité, la représentation du règne de

Dieu, c'est-à-dire de la vie de communauté, qui devait se réaliser sur la

face de la terre. Un jour, l'église romaine qui avait rangé les peuples et

les rois sous sa loi despotique et ambitieuse, voulut séparer le chrétien

du prêtre, la nation du sacerdoce, le peuple du clergé. Elle mit le calice

dans les mains de ses ministres, afin qu'ils pussent cacher la Divinité

dans des tabernacles mystérieux; et, par des interprétations absurdes, ces

prêtres érigèrent l'Eucharistie en un culte idolâtrique, auquel les

citoyens n'eurent droit de participer que selon leur bon plaisir. Ils

prirent les clefs des consciences dans le secret de la confession; et

la coupe sainte, la coupe glorieuse où l'indigent allait désaltérer et

retremper son âme, fut enfermée dans des coffres de cèdre et d'or, d'où

elle ne sortait plus que pour approcher des lèvres du prêtre. Lui seul

était digne de boire le sang et les larmes du Christ. L'humble croyant

devait s'agenouiller devant lui, et lécher sa main pour manger le pain des

anges! Comprenez-vous maintenant pourquoi le peuple s'écria tout d'une

voix: _La coupe! rendez-nous la coupe!_ La coupe aux petits, la coupe

aux enfants, aux femmes, aux pécheurs et aux aliénés! la coupe à tous les

pauvres, à tous les infirmes de corps et d'esprit; tel fut le cri de

révolte et de ralliement de toute la Bohême. Vous savez le reste,

Consuelo; vous savez qu'à cette idée première, qui résumait dans un

symbole religieux toute la joie, tous les nobles besoins d'un peuple fier

et généreux, vinrent se rattacher, par suite de la persécution, et au

sein d'une lutte terrible contre les nations environnantes, toutes les

idées de liberté patriotique et d'honneur national. La conquête de la

coupe entraîna les plus nobles conquêtes, et créa une société nouvelle.