37603.fb2 Consuelo - читать онлайн бесплатно полную версию книги . Страница 267

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Et maintenant si l'histoire, interprétée par des juges ignorants ou

sceptiques, vous dit que la fureur du sang et la soif de l'or allumèrent

seules ces guerres funestes, soyez sûre que c'est un mensonge fait à

Dieu et aux hommes. Il est bien vrai que les haines et les ambitions

Particulières vinrent souiller les exploits de nos pères; mais c'était le

vieil esprit de domination et d'avidité qui rongeait toujours les riches

et les nobles. Eux seuls compromirent et trahirent dix fois la cause

sainte. Le peuple, barbare mais sincère, fanatique mais inspiré, s'incarna

dans des sectes dont les noms poétiques vous sont connus. Les Taborites,

les Orébites, les Orphelins, les Frères de l'union, c'était là le peuple

martyr de sa croyance, réfugié sur les montagnes, observant dans sa

rigueur la loi de partage et d'égalité absolue, ayant foi à la vie

éternelle de l'âme dans les habitants du monde terrestre, attendant la

venue et le festin de Jésus-Christ, la résurrection de Jean Huss, de Jean

Ziska, de Procope Rase, et de tous ces chefs invincibles qui avaient

prêché et servi la liberté. Cette croyance n'est point une fiction, selon

moi, Consuelo. Notre rôle sur la terre n'est pas si court qu'on le suppose

communément, et nos devoirs s'étendent au delà de la tombe. Quant à

l'attachement étroit et puéril qu'il plaît au chapelain, et peut-être

à mes bons et faibles parents, de m'attribuer pour les pratiques et

les formules du culte hussitique, s'il est vrai que, dans mes jours

d'agitation et de fièvre, j'aie paru confondre le symbole avec le

principe, la figure avec l'idée, ne me méprisez pas trop, Consuelo. Au

fond de ma pensée je n'ai jamais voulu faire revivre en moi ces rites

oubliés, qui n'auraient plus de sens aujourd'hui. Ce sont d'autres

figures et d'autres symboles qui conviendraient aujourd'hui à des hommes

plus éclairés, s'ils consentaient à ouvrir les yeux, et si le joug de

l'esclavage permettait aux peuples de chercher la religion de la liberté.

On a durement et faussement interprété mes sympathies, mes goûts et mes

habitudes. Las de voir la stérilité et la vanité de l'intelligence des

hommes de ce siècle, j'ai eu besoin de retremper mon coeur compatissant

dans le commerce des esprits simples ou malheureux. Ces fous, ces

vagabonds, tous ces enfants déshérités des biens de la terre et de

l'affection de leurs semblables, j'ai pris plaisir à converser avec eux;

à retrouver, dans les innocentes divagations de ceux qu'on appelle

insensés, les lueurs fugitives, mais souvent éclatantes, de la logique

divine; dans les aveux de ceux qu'on appelle coupables et réprouvés, les

traces profondes, quoique souillées, de la justice et de l'innocence,

sous la forme de remords et de regrets. En me voyant agir ainsi,

m'asseoir à la table de l'ignorant et au chevet du bandit, on en a conclu

charitablement que je me livrais à des pratiques d'hérésie, et même de

sorcellerie. Que puis-je répondre à de telles accusations? Et quand mon

esprit, frappé de lectures et de méditations sur l'histoire de mon pays,

s'est trahi par des paroles qui ressemblaient au délire, et qui en étaient

peut-être, on a eu peur de moi, comme d'un frénétique, inspiré par le

diable ... Le diable! savez-vous ce que c'est, Consuelo, et dois-je vous

expliquer cette mystérieuse allégorie, créée par les prêtres de toutes les

religions?

--Oui, mon ami, dit Consuelo, qui, rassurée et presque persuadée, avait

oublié sa main dans celles d'Albert. Expliquez-moi ce que c'est que Satan.