37603.fb2 Consuelo - читать онлайн бесплатно полную версию книги . Страница 282

Consuelo - читать онлайн бесплатно полную версию книги . Страница 282

--De le _détruire_, mon Dieu! Que signifie ce mot dans votre bouche,

Albert? Où est Zdenko?

--Vous me demandez comme Dieu à Caïn: Qu'as-tu fait de ton frère?

--O ciel, ciel! Vous ne l'avez pas tué, Albert!»

Consuelo, en laissant échapper cette parole terrible, s'était attachée

avec énergie au bras d'Albert, et le regardait avec un effroi mêlé d'une

douloureuse pitié. Elle recula terrifiée de l'expression fière et froide

que prit ce visage pâle, où la douleur semblait parfois s'être pétrifiée.

«Je ne l'ai pas _tué_, répondit-il, et pourtant je lui ai ôté la vie, à

coup sûr. Oseriez-vous donc m'en faire un crime, vous pour qui je tuerais

peut-être mon propre père de la même manière; vous pour qui je braverais

tous les remords, et briserais tous les liens les plus chers, les

existences les plus sacrées? Si j'ai préféré, à la crainte de vous voir

assassiner par un fou, le regret et le repentir qui me rongent, avez-vous

assez peu de pitié dans le coeur pour remettre toujours cette douleur sous

mes yeux, et pour me reprocher le plus grand sacrifice qu'il ait été en

mon pouvoir de vous faire? Ah! Vous aussi, vous avez donc des moments de

cruauté! La cruauté ne saurait s'éteindre dans les entrailles de quiconque

appartient à la race humaine!»

Il y avait tant de solennité dans ce reproche, le premier qu'Albert eût

osé faire à Consuelo, qu'elle en fut pénétrée de crainte, et sentit, plus

qu'il ne lui était encore arrivé de le faire, la terreur qu'il lui

inspirait. Une sorte d'humiliation, puérile peut-être, mais inhérente au

coeur de la femme, succédait au doux orgueil dont elle n'avait pu se

défendre en écoutant Albert lui peindre sa vénération passionnée. Elle

se sentit abaissée, méconnue sans doute; car elle n'avait cherché à

surprendre son secret qu'avec l'intention, ou du moins avec le désir de

répondre à son amour s'il venait à se justifier. En même temps, elle

voyait que dans la pensée de son amant elle était coupable; car s'il avait

tué Zdenko, la seule personne au monde qui n'eût pas eu le droit de le

condamner irrévocablement, c'était celle dont la vie avait exigé le

sacrifice d'une autre vie infiniment précieuse d'ailleurs au malheureux

Albert.

Consuelo ne put rien répondre: elle voulut parler d'autre chose, et ses

larmes lui coupèrent la parole. En les voyant couler, Albert, repentant,

voulut s'humilier à son tour; mais elle le pria de ne plus jamais revenir

sur un sujet si redoutable pour son esprit, et lui promit, avec une sorte

de consternation arrière, de ne jamais prononcer un nom qui réveillait en

elle comme en lui les émotions les plus affreuses. Le reste de leur trajet

fut rempli de contrainte et d'angoisses. Ils essayèrent vainement un

autre entretien. Consuelo ne savait ni ce qu'elle disait, ni ce qu'elle

entendait. Albert pourtant paraissait calme, comme Abraham ou comme Brutus

après l'accomplissement du sacrifice ordonné par les destins farouches.

Cette tranquillité triste, mais profonde, avec un pareil poids sur

La poitrine, ressemblait à un reste de folie; et Consuelo ne pouvait

justifier son ami qu'en se rappelant qu'il était fou. Si, dans un combat

à force ouverte contre quelque bandit, il eût tué son adversaire pour la

sauver, elle n'eût trouvé là qu'un motif de plus de reconnaissance, et

peut-être d'admiration pour sa vigueur et son courage. Mais ce meurtre

mystérieux, accompli sans doute dans les ténèbres du souterrain; cette