37603.fb2 Consuelo - читать онлайн бесплатно полную версию книги . Страница 298

Consuelo - читать онлайн бесплатно полную версию книги . Страница 298

triomphé vous-même.

--Je le comprends. Ne croyez pas, signora, que je respecte assez peu la

pudeur, la droiture et le désintéressement, pour ne pas apprécier la

fierté fondée sur de tels trésors. Mais ce que l'amour paternel a su

vaincre (vous voyez que je vous parle avec un entier abandon), je pense

que l'amour d'une femme le fera aussi. Eh bien, quand toute la vie

d'Albert, la vôtre et la mienne seraient, je le suppose, un combat contre

les préjugés du monde, quand nous devrions en souffrir longtemps et

beaucoup tous les trois, et ma soeur avec nous, n'y aurait-il pas dans

notre mutuelle tendresse, dans le témoignage de notre conscience, et dans

les fruits de notre dévouement, de quoi nous rendre plus forts que tout ce

monde ensemble? Un grand amour fait paraître légers ces maux qui vous

semblent trop lourds pour vous-même et pour nous. Mais ce grand amour,

vous le cherchez, éperdue et craintive, au fond de votre âme; et vous ne

l'y trouvez pas, Consuelo, parce qu'il n'y est pas.

--Eh bien, oui, la question est là, là tout entière, dit Consuelo en posant

fortement ses mains contre son coeur; tout le reste n'est rien. Moi aussi

j'avais des préjugés; votre exemple me prouve que c'est un devoir pour

moi de les fouler aux pieds, et d'être aussi grande, aussi héroïque que

vous! Ne parlons donc plus de mes répugnances, de ma fausse honte. Ne

parlons même plus de mon avenir, de mon art! ajouta-t-elle en poussant un

profond soupir. Cela même je saurai l'abjurer si ... si j'aime Albert! Car

voilà ce qu'il faut que je sache. Ecoutez-moi, monseigneur. Je me le suis

cent fois demandé à moi-même, mais jamais avec la sécurité que pouvait

seule me donner votre adhésion. Comment aurais-je pu m'interroger

sérieusement, lorsque cette question même était à mes yeux une folie et un

crime? A présent, il me semble que je pourrai me connaître et me décider.

Je vous demande quelques jours pour me recueillir, et pour savoir si ce

dévouement immense que j'ai pour lui, ce respect, cette estime sans bornes

que m'inspirent ses vertus, cette sympathie puissante, cette domination

étrange qu'il exerce sur moi par sa parole, viennent de l'amour ou de

l'admiration. Car j'éprouve tout cela, monseigneur, et tout cela est

combattu en moi par une terreur indéfinissable, par une tristesse

profonde, et, je vous dirai tout, ô mon noble ami! par le souvenir

d'un amour moins enthousiaste, mais plus doux et plus tendre, qui ne

ressemblait en rien à celui-ci.

--Étrange et noble fille! répondit Christian avec attendrissement; que

de sagesse et de bizarreries dans vos paroles et dans vos idées! Vous

ressemblez sous bien des rapports à mon pauvre Albert, et l'incertitude

agitée de vos sentiments me rappelle ma femme, ma noble, et belle, et

triste Wanda!... O Consuelo! vous réveillez en moi un souvenir bien tendre

et bien amer. J'allais vous dire: Surmontez ces irrésolutions, triomphez

de ces répugnances; aimez, par vertu, par grandeur d'âme, par compassion;

par l'effort d'une charité pieuse et ardente, ce pauvre homme qui vous

adore, et qui, en vous rendant malheureuse peut-être, vous devra son

salut, et vous fera mériter les récompenses célestes! Mais vous m'avez

rappelé sa mère, sa mère qui s'était donnée à moi par devoir et par

amitié! Elle ne pouvait avoir pour moi, homme simple, débonnaire et

timide, l'enthousiasme qui brûlait son imagination. Elle fut fidèle et

généreuse jusqu'au bout cependant; mais comme elle a souffert! Hélas! son