37603.fb2 Consuelo - читать онлайн бесплатно полную версию книги . Страница 299

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affection faisait ma joie et mon supplice; sa constance, mon orgueil et

mon remords. Elle est morte à la peine, et mon coeur s'est brisé pour

jamais. Et maintenant, si je suis un être nul, effacé, mort avant d'être

enseveli, ne vous en étonnez pas trop Consuelo: j'ai souffert ce que nul

n'a compris, ce que je n'ai dit à personne, et ce que je vous confesse en

tremblant. Ah! plutôt que de vous engager à faire un pareil sacrifice, et

plutôt que de pousser Albert à l'accepter, que mes yeux se ferment dans la

douleur, et que mon fils succombe tout de suite à sa destinée! Je sais

trop ce qu'il en coûte pour vouloir forcer la nature et combattre

l'insatiable besoin des âmes! Prenez donc du temps pour réfléchir, ma

fille, ajouta le vieux comte en pressant Consuelo contre sa poitrine

gonflée de sanglots, et en baisant son noble front avec un amour de père.

Tout sera mieux ainsi. Si vous devez refuser, Albert, préparé par

l'inquiétude, ne sera pas foudroyé, comme il l'eût été aujourd'hui par

cette affreuse nouvelle.»

Ils se séparèrent après cette convention; et Consuelo, se glissant dans

les galeries avec la crainte d'y rencontrer Anzoleto, alla s'enfermer dans

sa chambre, épuisée d'émotions et de lassitude.

Elle essaya d'abord d'arriver au calme nécessaire, en tâchant de prendre

un peu de repos. Elle se sentait brisée; et, se jetant sur son lit, elle

tomba bientôt dans une sorte d'accablement plus pénible que réparateur.

Elle eût voulu s'endormir avec la pensée d'Albert, afin de la mûrir en

elle durant ces mystérieuses manifestations du sommeil, où nous croyons

trouver quelquefois le sens prophétique des choses qui nous préoccupent.

Mais les rêves entrecoupés qu'elle fit pendant plusieurs heures ramenèrent

sans cesse Anzoleto, au lieu d'Albert, devant ses yeux. C'était toujours

Venise, c'était toujours la Corte-Minelli; c'était toujours son premier

amour, calme, riant et poétique. Et chaque fois qu'elle s'éveillait, le

souvenir d'Albert venait se lier à celui de la grotte sinistre où le son

du violon, décuplé par les échos de la solitude, évoquait les morts, et

pleurait sur la tombe à peine fermée de Zdenko. A cette idée, la peur et

la tristesse fermaient son coeur aux élans de l'affection. L'avenir qu'on

lui proposait ne lui apparaissait qu'au milieu des froides ténèbres et des

visions sanglantes, tandis que le passé, radieux et fécond, élargissait sa

poitrine, et faisait palpiter son sein. Il lui semblait qu'en rêvant ce

passé, elle entendait sa propre voix retentir dans l'espace, remplir la

nature, et planer immense en montant vers les cieux; au lieu que cette

voix devenait creuse, sourde, et se perdait comme un râle de mort dans les

abîmes de la terre, lorsque les sons fantastiques du violon de la caverne

revenaient à sa mémoire.

Ces rêveries vagues la fatiguèrent tellement qu'elle se leva pour les

chasser; et le premier coup de la cloche l'avertissant qu'on servirait le

dîner dans une demi-heure, elle se mit à sa toilette, tout en continuant à

se préoccuper des mêmes idées. Mais, chose étrange! Pour la première fois

de sa vie, elle fut plus attentive à son miroir, et plus occupée de sa

coiffure, et de son ajustement, que des affaires sérieuses dont elle

cherchait la solution. Malgré elle, elle se faisait belle et désirait de

l'être. Et ce n'était pas pour éveiller les désirs et la jalousie de deux

amants rivaux, qu'elle sentait cet irrésistible mouvement de coquetterie;

elle ne pensait, elle ne pouvait penser qu'à un seul. Albert ne lui avait