37603.fb2 Consuelo - читать онлайн бесплатно полную версию книги . Страница 30

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était-ce à cause de sa misère? ou bien encore n'était-ce pas que sa

personne n'avait exercé de séduction sur aucun d'eux? La dernière

hypothèse est fort vraisemblable.

Cependant chacun sait que, de douze à quatorze ans, les jeunes filles

sont généralement maigres, décontenancées, sans harmonie dans les

traits, dans les proportions, dans les mouvements. Vers quinze ans elles

se _refont_ (c'est en français vulgaire l'expression des matrones); et

celle qui paraissait affreuse naguère reparaît, après ce court travail

de transformation, sinon belle, du moins agréable. On a remarqué même

qu'il n'était pas avantageux à l'avenir d'une fillette d'être jolie de

trop bonne heure.

Consuelo ayant recueilli comme les autres le bénéfice de l'adolescence,

on avait cessé de dire qu'elle était laide; et le fait est qu'elle ne

l'était plus. Seulement, comme elle n'était ni dauphine, ni infante,

elle n'avait point eu de courtisans autour d'elle pour proclamer que la

royale progéniture embellissait à vue d'oeil; et comme elle n'avait pas

l'appui de tendres sollicitudes pour s'inquiéter de son avenir, personne

ne prenait la peine de dire à Anzoleto: «Ta fiancée ne te fera point

rougir devant le monde.»

Si bien qu'Anzoleto l'avait entendu traiter de laideron à l'âge où ce

reproche n'avait pour lui ni sens ni valeur; et depuis qu'on ne disait

plus ni mal ni bien de la figure de Consuelo, il avait oublié de s'en

préoccuper. Sa vanité avait pris un autre essor. Il rêvait le théâtre et

la célébrité, et n'avait pas le temps de songer à faire étalage de ses

conquêtes. Et puis la grosse part de curiosité qui entre dans les désirs

de la première jeunesse était assouvie chez lui. J'ai dit qu'à dix-huit

ans il n'avait plus rien à apprendre. A vingt-deux ans, il était quasi

blasé; et à vingt-deux ans comme à dix-huit, son attachement pour

Consuelo était aussi tranquille, en dépit de quelques chastes baisers

pris sans trouble et rendus sans honte, qu'il l'avait été jusque-là.

Pour qu'on ne s'étonne pas trop de ce calme et de cette vertu de la part

d'un jeune homme qui ne s'en piquait point ailleurs, il faut faire

observer que la grande liberté dans laquelle nos adolescents vivaient au

commencement de cette histoire s'était modifiée et peu à peu restreinte

avec le temps. Consuelo avait près de seize ans, et menait encore une

vie un peu vagabonde, sortant du Conservatoire toute seule pour aller

répéter sa leçon et manger son riz sur les degrés de la Piazzetta avec

Anzoleto, lorsque sa mère, épuisée de fatigue, cessa de chanter le soir

dans les cafés, une guitare à la main et une sébile devant elle. La

pauvre créature se retira dans un des plus misérables greniers de la

_Corte-Minelli_, pour s'y éteindre à petit feu sur un grabat. Alors la

bonne Consuelo, ne voulant plus la quitter, changea tout à fait de genre

de vie. Hormis les heures où le professeur daignait lui donner sa leçon,

elle travaillait soit à l'aiguille, soit au contre point, toujours

auprès du chevet de cette mère impérieuse et désespérée, qui l'avait

cruellement maltraitée dans son enfance, et qui maintenant lui donnait

l'affreux spectacle d'une agonie sans courage et sans vertu. La piété

filiale et le dévouement tranquille de Consuelo ne se démentirent pas un

seul instant. Joies de l'enfance, liberté, vie errante, amour même, tout

fut sacrifié sans amertume et sans hésitation. Anzoleto s'en plaignit