37603.fb2 Consuelo - читать онлайн бесплатно полную версию книги . Страница 307

Consuelo - читать онлайн бесплатно полную версию книги . Страница 307

Christian s'affligeait un peu de cette sensibilité, qui annonçait tant

d'attachement et de regrets pour des choses dont il demandait le

sacrifice. La chanoinesse et le chapelain s'en réjouissaient, espérant

que ce sacrifice ne pourrait s'accomplir. Albert ne s'était pas encore

demandé si la comtesse de Rudolstadt pouvait redevenir artiste ou cesser

de l'être. Il eût tout accepté, tout permis, tout exigé même, pour qu'elle

fût heureuse et libre dans la retraite, dans le monde ou au théâtre, à son

choix. Son absence de préjugés et d'égoïsme allait jusqu'à l'imprévoyance

des cas les plus simples. Il ne lui vint donc pas à l'esprit que Consuelo

pût songer à s'imposer des sacrifices pour lui qui n'en voulait aucun.

Mais en ne voyant pas ce premier fait, il vit au delà, comme il voyait

toujours; il pénétra au coeur de l'arbre, et mit la main sur le ver

rongeur. Le véritable titre d'Anzoleto auprès de Consuelo, le véritable

but qu'il poursuivait, et le véritable sentiment qu'il inspirait, lui

furent révélés en un instant. Il regarda attentivement cet homme qui lui

était antipathique, et sur lequel jusque là il n'avait pas voulu jeter

les yeux parce qu'il ne voulait pas haïr le frère de Consuelo. Il vit en

lui un amant audacieux, acharné, et dangereux. Le noble Albert ne songea

pas à lui-même; ni le soupçon ni la jalousie n'entrèrent dans son coeur.

Le danger était tout pour Consuelo; car, d'un coup d'oeil profond et

lucide, cet homme, dont le regard vague et la vue délicate ne supportaient

pas le soleil et ne discernaient ni les couleurs ni les formes, lisait

au fond de l'âme et pénétrait, par la puissance mystérieuse de la

divination, dans les plus secrètes pensées des méchants et des fourbes. Je

n'expliquerai pas d'une manière naturelle ce don étrange qu'il possédait

parfois. Certaines facultés (non approfondies et non définies par la

science) restèrent chez lui incompréhensibles pour ses proches, comme

elles le sont pour l'historien qui vous les raconte, et qui, à l'égard de

ces sortes de choses, n'est pas plus avancé, après cent ans écoulés, que

ne le sont les grands esprits de son siècle, Albert, en voyant à nu l'âme

égoïste et vaine de son rival, ne se dit pas: Voilà mon ennemi; mais il se

dit: Voilà l'ennemi de Consuelo. Et, sans rien faire paraître de sa

découverte, il se promit de veiller sur elle, et de la préserver.

LXI.

Aussitôt que Consuelo vit un instant favorable, elle sortit du salon, et

alla dans le jardin. Le soleil était couché, et les premières étoiles

brillaient sereines et blanches dans un ciel encore rose vers l'occident,

déjà noir à l'est. La jeune artiste cherchait à respirer le calme dans

cet air pur et frais des premières soirées d'automne. Son sein était

oppressé d'une langueur voluptueuse; et cependant elle en éprouvait des

remords, et appelait au secours de sa volonté toutes les forces de son

âme. Elle eût pu se dire: «_Ne puis-je donc savoir si j'aime ou si je

hais?_» Elle tremblait, comme si elle eût senti son courage l'abandonner

dans la crise la plus dangereuse de sa vie; et, pour la première fois,

elle ne retrouvait pas en elle cette droiture de premier mouvement, cette

sainte confiance dans ses intentions, qui l'avaient toujours soutenue

dans ses épreuves. Elle avait quitté le salon pour se dérober à la

fascination qu'Anzoleto exerçait sur elle, et elle avait éprouvé en

même temps comme un vague désir d'être suivie par lui. Les feuilles

commençaient à tomber. Lorsque le bord de son vêtement les faisait crier