37603.fb2 Consuelo - читать онлайн бесплатно полную версию книги . Страница 313

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autre je ne rêverais que de lui. Que faire, que devenir?»

L'heure s'avançait avec une affreuse rapidité, avec une affreuse lenteur.

«Je le verrai, se disait-elle. Je lui dirai que je le hais, que je le

méprise, que je ne veux jamais le revoir. Mais non, je mens encore; car je

ne le lui dirai pas; ou bien, si j'ai ce courage, je me rétracterai un

instant après. Je ne puis plus même être sûre de ma chasteté; il n'y croit

plus, il ne me respectera pas. Et moi, je ne crois plus à moi-même, je ne

crois plus à rien. Je succomberai par peur encore plus que par faiblesse.

Oh! plutôt mourir que de descendre ainsi dans ma propre estime, et de

donner ce triomphe à la ruse et au libertinage d'autrui, sur les instincts

sacrés et les nobles desseins que Dieu avait mis en moi!»

Elle se mit à sa fenêtre, et eut véritablement l'idée de se précipiter,

pour échapper par la mort à l'infamie dont elle se croyait déjà souillée.

En luttant contre cette sombre tentation, elle songea aux moyens de salut

qui lui restaient. Matériellement parlant, elle n'en manquait pas, mais

tous lui semblaient entraîner d'autres dangers. Elle avait commencé par

verrouiller la porte par laquelle Anzoleto pouvait venir. Mais elle ne

connaissait encore qu'à demi cet homme froid et personnel, et, ayant vu des

preuves de son courage physique, elle ne savait pas qu'il était tout à fait

dépourvu du courage moral qui fait affronter la mort pour satisfaire la

passion. Elle pensait qu'il oserait venir jusque là, qu'il insisterait pour

être écouté, qu'il ferait quelque bruit; et elle savait qu'il ne fallait

qu'un souffle pour attirer Albert. Il y avait auprès de sa chambre un

cabinet avec un escalier dérobé, comme dans presque tous les appartements

du château; mais cet escalier donnait à l'étage inférieur, tout auprès de

la chanoinesse. C'était le seul refuge qu'elle pût chercher contre l'audace

imprudente d'Anzoleto; et, pour se faire ouvrir, il fallait tout confesser,

même d'avance, afin de ne pas donner lieu à un scandale, que la bonne

Wenceslawa, dans sa frayeur, pourrait bien prolonger. Il y avait encore le

jardin; mais si Anzoleto, qui paraissait avoir exploré tout le château avec

soin, s'y rendait de son côté, c'était courir à sa perte.

En rêvant ainsi, elle vit de la fenêtre de son cabinet, qui donnait sur une

cour de derrière, de la lumière auprès des écuries. Elle examina un homme

qui rentrait et sortait de ces écuries sans éveiller les autres serviteurs,

et qui paraissait faire des apprêts de départ. Elle reconnut à son costume

le guide d'Anzoleto, qui arrangeait ses chevaux conformément à ses

instructions. Elle vit aussi de la lumière chez le gardien du pont-levis,

et pensa avec raison qu'il avait été averti par le guide d'un départ dont

l'heure n'était pas encore fixée. En observant ces détails, et en se

livrant à mille conjectures, à mille projets, Consuelo conçut un dessein

assez étrange et fort téméraire. Mais comme il lui offrait un terme moyen

entre les deux extrêmes qu'elle redoutait, et lui ouvrait en même temps

une nouvelle perspective sur les événements de sa vie, il lui parut une

véritable inspiration du ciel. Elle n'avait pas de temps à employer pour en

examiner les moyens et les suites. Les uns lui parurent se présenter par

l'effet d'un hasard providentiel; les autres lui semblèrent pouvoir être

détournés. Elle se mit à écrire ce qui suit, fort à la hâte, comme on peut

croire, car l'horloge, du château venait de sonner onze heures:

«Albert, je suis forcée de partir. Je vous chéris de toute mon âme, vous le

savez. Mais il y a dans mon. être des contradictions, des souffrances, et