37603.fb2 Consuelo - читать онлайн бесплатно полную версию книги . Страница 325

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morceau de pain bis, qu'il se mit à couper avec gravité et à ronger à

belles dents, tout en jetant de temps en temps sur la dormeuse un regard

assez timide, et en prenant le soin de ne pas faire de bruit en ouvrant et

en fermant son couteau à ressort, comme s'il eût craint de la réveiller en

sursaut. Cette marque de déférence rendit une pleine confiance à Consuelo,

et la vue de ce pain que son compagnon mangeait de si bon coeur, réveilla

en elle les angoisses de la faim. Après s'être bien assurée, à la toilette

délabrée de l'enfant et à sa chaussure poudreuse, que c'était un pauvre

voyageur étranger au pays, elle jugea que la Providence lui envoyait un

secours inespéré, dont elle devait profiter. Le morceau de pain était

énorme, et l'enfant pouvait, sans rabattre beaucoup de son appétit, lui en

céder une petite portion. Elle se releva donc, affecta de se frotter les

yeux comme si elle s'éveillait à l'instant même, et regarda le jeune gars

d'un air assuré, afin de lui imposer, au cas où il perdrait le respect dont

jusque là il avait fait preuve.

Cette précaution n'était pas nécessaire. Dès qu'il vit la dormeuse debout,

l'enfant se troubla un peu, baissa les yeux, les releva avec effort à

plusieurs reprises, et enfin, enhardi par la physionomie de Consuelo qui

demeurait irrésistiblement bonne et sympathique, en dépit, du soin qu'elle

prenait de la composer, il lui adressa la parole d'un son de voix si doux

et si harmonieux, que la jeune musicienne fut subitement impressionnée en

sa faveur.

«Eh bien, Mademoiselle, lui dit-il en souriant, vous voilà donc enfin

réveillée? Vous dormiez là de si bon coeur, que si ce n'eût été la crainte

d'être impoli, j'en aurais fait autant de mon côté.

--Si vous êtes aussi obligeant que poli, lui répondit Consuelo en prenant

un ton maternel, vous allez me rendre un petit service.

--Tout ce que vous voudrez, reprit le jeune voyageur, à qui le son de voix

de Consuelo parut également agréable et pénétrant.

--Vous allez me vendre un petit morceau de votre déjeuner, repartit

Consuelo, si vous le pouvez sans vous priver.

--Vous le vendre! s'écria l'enfant tout surpris et en rougissant: oh! Si

j'avais un déjeuner, je ne vous le vendrais pas! je ne suis pas aubergiste;

mais je voudrais vous l'offrir et vous le donner.

--Vous me le donnerez donc, à condition que je vous donnerai en échange de

quoi acheter un meilleur déjeuner.

--Non pas, non pas, reprit-il. Vous moquez-vous? Êtes-vous trop fière pour

accepter de moi un pauvre morceau de pain? Hélas! vous voyez, je n'ai que

cela à vous offrir.

--Eh bien, je l'accepte, dit Consuelo en tendant la main; votre bon coeur

me ferait rougir d'y mettre de la fierté.

--Tenez, tenez! ma belle demoiselle, s'écria le jeune homme tout joyeux.

Prenez le pain et le couteau, et taillez vous-même. Mais n'y mettez pas de

façons, au moins! Je ne suis pas gros mangeur, et j'en avais là pour toute

ma journée.

--Mais aurez-vous la facilité d'en acheter d'autre pour votre journée?

--Est-ce qu'on ne trouve pas du pain partout? Allons, mangez donc, si vous

voulez me faire plaisir!»

Consuelo ne se fit pas prier davantage; et, sentant bien que ce serait mal

reconnaître l'élan fraternel de son amphitryon que de ne pas manger en sa