37603.fb2 Consuelo - читать онлайн бесплатно полную версию книги . Страница 326

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compagnie, elle se rassit non loin de lui, et se mit à dévorer ce pain, au

prix duquel les mets les plus succulents qu'elle eût jamais goûtés à la

table des riches lui parurent fades et grossiers.

«Quel bon appétit vous avez! dit l'enfant; cela fait plaisir à voir. Eh

bien, j'ai du bonheur de vous avoir rencontrée; cela me rend tout content.

Tenez, croyez-moi, mangeons-le tout; nous retrouverons bien une maison sur

la route aujourd'hui, quoique ce pays semble un désert.

--Vous ne le connaissez donc pas? dit Consuelo d'un air d'indifférence.

--C'est la première fois que j'y passe, quoique je connaisse la route de

Vienne à Pilsen, que je viens de faire, et que je reprends maintenant pour

retourner là-bas.

--Où, là-bas? à Vienne?

--Oui, à Vienne; est-ce que vous y allez aussi?»

Consuelo, incertaine si elle accepterait ce compagnon de voyage, ou si elle

l'éviterait, feignit d'être distraite pour ne pas répondre tout de suite.

«Bah! qu'est-ce que je dis? reprit le jeune homme. Une belle demoiselle

comme vous n'irait pas comme cela toute seule à Vienne. Cependant vous êtes

en voyage; car vous avez un paquet comme moi, et vous êtes à pied comme

moi!»

Consuelo, décidée à éluder ses questions jusqu'à ce qu'elle vît à quel

point elle pouvait se fier à lui, prit le parti de répondre à une

interrogation par une autre.

«Est-ce que vous êtes de Pilsen? lui demanda-t-elle.

--Non, répondit l'enfant qui n'avait aucun instinct ni aucun motif de

méfiance; je suis de Rohrau en Hongrie; mon père y est charron de son

métier.

--Et comment voyagez-vous si loin de chez vous? Vous ne suivez donc pas

l'état de votre père?

--Oui et non. Mon père est charron, et je ne le suis pas; mais il est en

même temps musicien, et j'aspire à l'être.

--Musicien? Bravo! c'est un bel état!

--C'est peut-être le vôtre aussi?

--Vous n'alliez pourtant pas étudier la musique à Pilsen, qu'on dit être

une triste ville de guerre?

--Oh, non! J'ai été chargé d'une commission pour cet endroit-là, et je m'en

retourne à Vienne pour tâcher d'y gagner ma vie, tout en continuant mes

études musicales.

--Quelle partie avez-vous embrassée? la musique vocale ou instrumentale?

--L'une et l'autre jusqu'à présent. J'ai une assez bonne voix; et tenez,

j'ai là un pauvre petit violon sur lequel je me fais comprendre. Mais mon

ambition est grande, et je voudrais aller plus loin que tout cela.

--Composer, peut-être?

--Vous l'avez dit. Je n'ai dans la tête que cette maudite composition. Je

vais vous montrer que j'ai encore dans mon sac un bon compagnon de voyage;

c'est un gros livre que j'ai coupé par morceaux, afin de pouvoir en

emporter quelques fragments en courant le pays; et quand je suis fatigué de

marcher, je m'assieds dans un coin et j'étudie un peu; cela me repose.

--C'est fort bien vu. Je parie que c'est le _Gradus ad Parnassum_ de Fuchs?

--Précisément. Ah! je vois bien que vous vous y connaissez, et je suis sûr

à présent que vous êtes musicienne, vous aussi. Tout à l'heure, pendant