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est en ce moment aux bains de Manensdorf avec madame Wilhelmine, la femme

ou la maîtresse de son excellence. Cette promesse m'avait comblé de joie;

devenir l'élève d'un aussi grand professeur, du premier maître de chant de

l'univers! Apprendre la composition, les principes purs et corrects de

l'art italien! Je me regardais comme sauvé, je bénissais mon étoile, je

me croyais déjà un grand maître moi-même. Mais, hélas! Malgré les bonnes

intentions de son excellence, sa promesse n'a pas été aussi facile à

réaliser que je m'en flattais; et si je ne trouve une recommandation

plus puissante auprès du Porpora, je crains bien de ne jamais approcher

seulement de sa personne. On dit que cet illustre maître est d'un caractère

bizarre; et qu'autant il se montre attentif, généreux et dévoué à certains

élèves, autant il est capricieux et cruel pour certains autres. Il paraît

que maître Reuter n'est rien au prix du Porpora, et je tremble à la seule

idée de le voir. Cependant, quoiqu'il ait commencé par refuser net les

propositions de l'ambassadeur à mon sujet, et qu'il ait signifié ne vouloir

plus faire d'élèves, comme je sais que monseigneur Corner insistera,

j'espère encore, et je suis déterminé à subir patiemment les plus cruelles

mortifications, pourvu qu'il m'enseigne quelque chose en me grondant.

--Vous avez formé là, dit Consuelo, une salutaire résolution. On ne vous a

pas exagéré les manières brusques et l'aspect terrible de ce grand maître.

Mais vous avez raison d'espérer; car si vous avez de la patience, une

soumission aveugle, et les véritables dispositions musicales que je

pressens en vous, si vous ne perdez pas la tête au milieu des premières

bourrasques, et que vous réussissiez à lui montrer de l'intelligence et de

la rapidité de jugement, au bout de trois ou quatre leçons, je vous promets

qu'il sera pour vous le plus doux et le plus consciencieux des maîtres.

Peut-être même, si votre coeur répond, comme je le crois, à votre

esprit, Porpora deviendra pour vous un ami solide, un père équitable et

bienfaisant.

--Oh! vous me comblez de joie. Je vois bien que vous le connaissez,

et vous devez aussi connaître sa fameuse élève, la nouvelle comtesse

de Rudolstadt ... la Porporina....

--Mais où avez-vous donc entendu parler de cette Porporina, et

qu'attendez-vous d'elle?

--J'attends d'elle une lettre pour le Porpora, et sa protection active

auprès de lui, quand elle viendra à Vienne; car elle va y venir sans doute

après son mariage avec le riche seigneur de Riesenburg.

--D'où savez-vous ce mariage?

--Par le plus grand hasard du monde. Il faut vous dire que, le mois

dernier, mon ami Keller apprit qu'un parent qu'il avait à Pilsen venait de

mourir, lui laissant un peu de bien. Keller n'avait ni le temps ni le moyen

de faire le voyage, et n'osait s'y déterminer, dans la crainte que la

succession ne valût pas les frais de son déplacement et la perte de son

temps. Je venais de recevoir quelque argent de mon travail. Je lui ai

offert de faire le voyage, et de prendre en main ses intérêts. J'ai

donc été à Pilsen; et, dans une semaine que j'y ai passée, j'ai eu la

satisfaction de voir réaliser l'héritage de Keller. C'est peu de chose sans

doute, mais ce peu n'est pas à dédaigner pour lui; et je lui rapporte les

titres d'une petite propriété qu'il pourra faire vendre ou exploiter selon

qu'il le jugera à propos. En revenant de Pilsen, je me suis trouvé hier