37603.fb2 Consuelo - читать онлайн бесплатно полную версию книги . Страница 332

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soir dans un endroit qu'on appelle Klatau, et où j'ai passé la nuit. Il y

avait eu un marché dans la journée, et l'auberge était pleine de monde.

J'étais assis auprès d'une table où mangeait un gros homme, qu'on traitait

de docteur Wetzelius, et qui est bien le plus grand gourmand et le plus

grand bavard que j'aie jamais rencontré. «Savez-vous la nouvelle? disait-il

à ses voisins: le comte Albert de Rudolstadt, celui qui est fou, archi-fou,

et quasi enragé, épouse la maîtresse de musique de sa cousine, une

aventurière, une mendiante, qui a été, dit-on, comédienne en Italie, et qui

s'est fait enlever par le vieux musicien Porpora, lequel s'en est dégoûté

et l'a envoyée faire ses couches à Riesenburg. On a tenu l'événement fort

secret; et d'abord, comme on ne comprenait rien à la maladie et aux

convulsions de la demoiselle que l'on croyait très-vertueuse, on m'a fait

appeler comme pour une fièvre putride et maligne. Mais à peine avais-je

tâté le pouls de la malade, que le comte Albert, qui savait sans doute à

quoi s'en tenir sur cette vertu-là, m'a repoussé en se jetant sur moi comme

un furieux, et n'a pas souffert que je rentrasse dans l'appartement. Tout

s'est passé fort secrètement. Je crois que la vieille chanoinesse a fait

l'office de sage-femme; la pauvre dame ne s'était jamais vue à pareille

fête. L'enfant a disparu. Mais ce qu'il y a d'admirable, c'est que le jeune

comte, qui, vous le savez tous, ne connaît pas la mesure du temps, et prend

les mois pour des années, s'est imaginé être le père de cet enfant-là, et a

parlé si énergiquement à sa famille, que, plutôt que de le voir retomber

dans ses accès de fureur, on a consenti à ce beau mariage.»

--Oh! c'est horrible, C'est infâme! s'écria Consuelo hors d'elle-même;

c'est un tissu d'abominables calomnies et d'absurdités révoltantes!

--Ne croyez pas que j'y aie ajouté foi un instant, repartit Joseph Haydn;

la figure de ce vieux docteur était aussi sotte que méchante, et, avant

qu'on l'eût démenti, j'étais déjà sûr qu'il ne débitait que des faussetés

et des folies. Mais à peine avait-il achevé son conte, que cinq ou six

jeunes gens qui l'entouraient ont pris le parti de la jeune personne; et

c'est ainsi que j'ai appris la vérité. C'était à qui louerait la beauté, la

grâce, la pudeur, l'esprit et l'incomparable talent de la Porporina. Tous

approuvaient la passion du comte Albert pour elle, enviaient son bonheur,

et admiraient le vieux comte d'avoir consenti à cette union. Le docteur

Wetzelius a été traité de radoteur et d'insensé; et comme on parlait de la

grande estime de maître Porpora pour une élève à laquelle il a voulu donner

son nom, je me suis mis dans la tête d'aller à Riesenburg, de me jeter aux

pieds de la future ou peut-être de la nouvelle comtesse (car on dit que le

mariage a été déjà célébré, mais qu'on le tient encore secret pour ne pas

indisposer la cour), et de lui raconter mon histoire, pour obtenir d'elle

la faveur de devenir l'élève de son illustre maître.»

Consuelo resta quelques instants pensive; les dernières paroles de Joseph à

propos de la cour l'avaient frappée. Mais revenant bientôt à lui:

«Mon enfant, lui dit-elle, n'allez point à Riesenburg, vous n'y trouveriez

pas la Porporina. Elle n'est point mariée avec le comte de Rudolstadt, et

rien n'est moins assuré que ce mariage-là. Il en a été question, il est

vrai, et je crois que les fiancés étaient dignes l'un de l'autre; mais la

Porporina, quoiqu'elle eût pour le comte Albert une amitié solide, une

estime profonde et un respect sans bornes, n'a pas crû devoir se décider

légèrement à une chose aussi sérieuse. Elle a pesé, d'une part, le tort