37603.fb2 Consuelo - читать онлайн бесплатно полную версию книги . Страница 334

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modeste, vous n'êtes pas en sûreté sur ces routes couvertes de soldats et

de vauriens de toute espèce. Depuis que la paix est faite, le pays est

inondé de militaires qui retournent dans leurs garnisons, et surtout de ces

volontaires aventuriers qui, se voyant licenciés, et ne sachant plus où

trouver fortune, se mettent à piller les passants, à rançonner les

campagnes, et à traiter les provinces en pays conquis. Notre pauvreté nous

met à l'abri de leur talent de ce côté-là; mais il suffit que vous soyez

femme pour éveiller leur brutalité. Je pense sérieusement à changer de

route; et, au lieu de nous en aller par Piseck et Budweiss, qui sont des

places de guerre offrant un continuel prétexte au passage des troupes

licenciées et autres qui ne valent guère mieux, nous ferons bien de

descendre le cours de la Moldaw, en suivant les gorges de montagnes à peu

près désertes, où la cupidité et les brigandages de ces messieurs ne

trouvent rien qui puisse les amorcer. Nous côtoierons la rivière jusque

vers Reichenau, et nous entrerons tout de suite en Autriche par Freistadt.

Une fois sur les terres de l'Empire, nous serons protégés par une police

Moins impuissante que celle de la Bohême.

--Vous connaissez donc cette route-là?

--Je ne sais pas même s'il y en a une; mais j'ai une petite carte dans ma

poche, et j'avais projeté, en quittant Pilsen, d'essayer de m'en revenir

par les montagnes, afin de changer et de voir du pays.

--Eh bien soit! votre idée me paraît bonne, dit Consuelo en regardant la

carte que Joseph venait d'ouvrir. Il y a partout des sentiers pour les

piétons et des chaumières pour recueillir les gens sobres et courts

d'argent. Je vois là, en effet, une chaîne de montagnes qui nous conduit

jusqu'à la source de la Moldaw, et qui continue le long du fleuve.

--C'est le plus grand Boehmer-Wald, dont les cimes les plus élevées se

trouvent là et servent de frontière entre la Bavière et la Bohême. Nous le

rejoindrons facilement en nous tenant toujours sur ces hauteurs; elles nous

indiquent qu'à droite et à gauche sont les vallées qui descendent vers

les deux provinces. Puisque, Dieu merci, je n'ai plus affaire à cet

introuvable château des Géants, je suis sûr de vous bien diriger, et de ne

pas vous faire faire plus de chemin qu'il ne faut.

--En route donc! dit Consuelo; je me sens tout à fait reposée. Le sommeil

et votre bon pain m'ont rendu mes forces, et je peux encore faire au

moins deux milles aujourd'hui. D'ailleurs j'ai hâte de m'éloigner de

ces environs, où je crains toujours de rencontrer quelque visage de

connaissance.

--Attendez, dit Joseph; j'ai une idée singulière qui me trotte par la

cervelle.

--Voyons-la.

--Si vous n'aviez pas de répugnance à vous habiller en homme, votre

incognito serait assuré, et vous échapperiez à toutes les mauvaises

suppositions qu'on pourra faire dans nos gîtes sur le compte d'une jeune

fille voyageant seule avec un jeune garçon.

--L'idée n'est pas mauvaise, mais vous oubliez que nous ne sommes pas assez

riches pour faire des emplettes. Où trouverais-je d'ailleurs des habits à

ma taille?

--Écoutez, je n'aurais pas eu cette idée si je ne m'étais senti pourvu de

ce qu'il fallait pour la mettre à exécution. Nous sommes absolument de la