37603.fb2 Consuelo - читать онлайн бесплатно полную версию книги . Страница 338

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«Voilà qu'elle a l'air d'une Muse, pensa Joseph, et le garçon disparaît

encore!» Ils traversèrent un village, où, apercevant une de ces boutiques

où l'on vend de tout, il y entra précipitamment sans qu'elle pût prévoir

son dessein, et en sortit bientôt avec un petit chapeau de paille à larges

bords retroussés sur les oreilles comme les portent les paysans des vallées

danubiennes.

«Si vous commencez par nous jeter dans le luxe, lui dit-elle en essayant

cette nouvelle coiffure, songez que le pain pourra bien manquer vers la fin

du voyage.

--Le pain vous manquer! s'écria Joseph vivement; j'aimerais mieux tendre

la main aux voyageurs, faire des cabrioles sur les places publiques pour

recevoir des gros sous! que sais-je? Oh! non, vous ne manquerez de rien

avec moi.» Et voyant que son enthousiasme étonnait un peu Consuelo, il

ajouta en tâchant de rabaisser ses bons sentiments: «Songez, signor

Bertoni, que mon avenir dépend de vous, que ma fortune est dans vos mains,

et qu'il est de mes intérêts de vous ramener saine et sauve à maître

Porpora.»

L'idée que son compagnon pouvait bien tomber subitement amoureux d'elle

Ne vint pas à Consuelo. Les femmes chastes et simples ont rarement ces

prévisions, que les coquettes ont, au contraire, en toute rencontre,

peut-être à cause de la préoccupation où elles sont d'en faire naître la

cause. En outre, il est rare qu'une femme très-jeune ne regarde pas comme

un enfant un homme de son âge. Consuelo avait deux ans de plus qu'Haydn,

et ce dernier était si petit et si malingre qu'on lui en eût donné à peine

quinze. Elle savait bien qu'il en avait davantage; mais elle ne pouvait

s'aviser de penser que son imagination et ses sens fussent déjà éveillés

par l'amour. Elle s'aperçut cependant d'une émotion extraordinaire lorsque,

s'étant arrêtée pour reprendre haleine dans un autre endroit, d'où elle

admirait un des beaux sites qui s'offrent à chaque pas dans ces régions

élevées, elle surprit les regards de Joseph attachés sur les siens avec une

sorte d'extase.

«Qu'avez-vous, ami Beppo? lui dit-elle naïvement. Il me semble que vous

êtes soucieux, et je ne puis m'ôter de l'idée que ma compagnie vous

embarrasse.

--Ne dites pas cela! s'écria-t-il avec douleur; c'est manquer d'estime pour

moi, c'est me refuser votre confiance et votre amitié que je voudrais payer

de ma vie.

--En ce cas, ne soyez pas triste, à moins que vous n'ayez quelque autre

sujet de chagrin que vous ne m'avez pas confié.»

Joseph tomba dans un morne silence, et ils marchèrent longtemps sans qu'il

pût trouver la force de le rompre. Plus ce silence se prolongeait, plus le

jeune homme en ressentait d'embarras; il craignait de se laisser deviner.

Mais il ne trouvait rien de convenable à dire pour renouer la conversation.

Enfin, faisant un grand effort sur lui-même:

«Savez-vous, lui dit-il, à quoi je songe très-sérieusement?

--Non, je ne le devine pas, répondit Consuelo, qui, pendant tout ce temps,

s'était perdue dans ses propres préoccupations, et qui n'avait rien trouvé

d'étrange à son silence.

--Je pensais, chemin faisant, que, si cela ne vous ennuyait pas, vous

devriez m'enseigner l'italien. Je l'ai commencé avec des livres cet hiver;