37603.fb2 Consuelo - читать онлайн бесплатно полную версию книги . Страница 344

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s'annonçait si désagréablement. C'est en vain qu'elle se reprocha d'être

devenue princesse dans les douceurs de la vie de château: elle eût donné

le reste de ses jours en cet instant pour une heure de bon sommeil.

Cependant, n'osant rentrer dans la maison de peur d'éveiller et

d'indisposer ses hôtes, elle chercha la porte des granges; et, trouvant

l'étable ouverte à demi, elle y pénétra à tâtons. Un profond silence y

régnait. Jugeant cet endroit désert, elle s'étendit sur une crèche remplie

de paille dont la chaleur et l'odeur saine lui parurent délicieuses.

Elle commençait à s'endormir, lorsqu'elle sentit sur son front une haleine

chaude et humide, qui se retira avec un souffle violent et une sorte

d'imprécation étouffée. La première frayeur passée, elle aperçut, dans le

crépuscule qui commençait à poindre, une longue figure et deux formidables

cornes au-dessus de sa tête: c'était une belle vache qui avait passé le cou

au râtelier, et qui, après l'avoir flairée avec étonnement, se retirait

avec épouvante. Consuelo se tapit dans le coin, de manière à ne pas la

contrarier, et dormit fort tranquillement. Son oreille fut bientôt habituée

à tous les bruits de l'étable, au cri des chaînes dans leurs anneaux, au

mugissement des génisses et au frottement des cornes contre les barres de

la crèche. Elle ne s'éveilla même pas lorsque les laitières entrèrent pour

faire sortir leurs bêtes et les traire en plein air. L'étable se trouva

vide; l'endroit sombre où Consuelo s'était retirée avait empêché qu'on ne

la découvrit; et le soleil était levé lorsqu'elle ouvrit de nouveau les

yeux. Enfoncée dans la paille, elle goûta encore quelques instants le

bien-être de sa situation, et se réjouit de se sentir rafraîchie et

reposée, prête à reprendre sa marche sans effort et sans inquiétude.

Lorsqu'elle sauta à bas de la crèche pour chercher Joseph, le premier objet

qu'elle rencontra fut Joseph lui-même, assis vis-à-vis d'elle sur la crèche

d'en face.

«Vous m'avez donné bien de l'inquiétude, cher signor Bertoni, lui dit-il.

Lorsque les jeunes filles m'ont appris que vous n'étiez plus dans la

chambre, et qu'elles ne savaient ce que vous étiez devenue, je vous ai

cherchée partout, et ce n'est qu'en désespoir de cause que je suis revenu

ici où j'avais passé la nuit, et où je vous ai trouvée, à ma grande

surprise. J'en étais sorti dans l'obscurité du matin, et ne m'étais pas

avisé de vous découvrir, là vis-à-vis de moi, blottie dans cette paille et

sous le nez de ces animaux qui eussent pu vous blesser. Vraiment, signora,

vous êtes téméraire, et vous ne songez pas aux périls de toute espèce que

vous affrontez.

--Quels périls, mon cher Beppo? dit Consuelo en souriant et en lui tendant

la main. Ces bonnes vaches ne sont pas des animaux bien féroces, et je leur

ai fait plus de peur qu'elles ne pouvaient me faire de mal.

--Mais, signora, reprit Joseph en baissant la voix, vous venez au milieu

de la nuit vous réfugier dans le premier endroit qui se présente.

D'autres hommes que moi pouvaient se trouver dans cette étable, quelque

Vagabond moins respectueux que votre fidèle et dévoué Beppo, quelque serf

grossier!... Si, au lieu de la crèche où vous avez dormi, vous aviez choisi

l'autre, et qu'au lieu de moi vous y eussiez éveillé en sursaut quelque

soldat ou quelque rustre!»

Consuelo rougit en songeant qu'elle avait dormi si près de Joseph et toute

seule avec lui dans les ténèbres; mais cette honte ne fit qu'augmenter sa