37603.fb2 Consuelo - читать онлайн бесплатно полную версию книги . Страница 347

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en toute autre situation. Il est vrai que cette situation bizarre était

seule capable de la faire naître. Quoi qu'il en soit, Consuelo céda à un

besoin irrésistible de se rappeler à elle-même et de confier à un coeur ami

les vertus de son fiancé; et, tout en parlant ainsi, elle sentit, avec la

même satisfaction qu'on éprouve à faire l'essai de ses forces après une

maladie grave, qu'elle aimait Albert plus qu'elle ne s'en était flattée en

lui promettant de travailler à n'aimer que lui. Son imagination s'exaltait

sans inquiétude, à mesure qu'elle s'éloignait de lui; et tout ce qu'il y

avait de beau, de grand et de respectable dans son caractère, lui apparut

sous un jour plus brillant, lorsqu'elle ne sentit plus en elle la crainte

de prendre trop précipitamment une résolution absolue. Sa fierté ne

souffrait plus de l'idée qu'on pouvait l'accuser d'ambition, car elle

fuyait, elle renonçait en quelque sorte aux avantages matériels attachés à

cette union; elle pouvait donc, sans contrainte et sans honte, se livrer à

l'affection dominante de son âme. Le nom d'Anzoleto ne vint pas une seule

fois sur ses lèvres, et elle s'aperçut encore avec plaisir qu'elle n'avait

pas même songé à faire mention de lui dans le récit de son séjour en

Bohême.

Ces épanchements, tout déplacés et téméraires qu'ils pussent être,

amenèrent les meilleurs résultats. Ils firent comprendre à Joseph combien

l'âme de Consuelo était sérieusement occupée; et les espérances vagues

qu'il pouvait avoir involontairement conçues s'évanouirent comme des

songes, dont il s'efforça même de dissiper le souvenir. Après une ou deux

heures de silence qui succédèrent à cet entretien animé, il prit la ferme

résolution de ne plus voir en elle ni une belle sirène, ni un dangereux et

problématique camarade, mais une grande artiste et une noble femme, dont

les conseils et l'amitié étendraient sur toute sa vie une heureuse

influence.

Autant pour répondre à sa confiance que pour mettre à ses propres désirs

une double barrière, il lui ouvrit son âme, et lui raconta comme quoi, lui

aussi, était engagé, et pour ainsi dire fiancé. Son roman de coeur était

moins poétique que celui de Consuelo; mais pour qui sait l'issue de ce

roman dans la vie de Haydn, il n'était pas moins pur et moins noble. Il

avait témoigné de l'amitié à la fille de son généreux hôte, le perruquier

Keller, et celui-ci, voyant cette innocente liaison, lui avait dit:

«Joseph, je me fie à toi. Tu parais aimer ma fille, et je vois que

tu ne lui es pas indifférent. Si tu es aussi loyal que laborieux et

reconnaissant, quand tu auras assuré ton existence, tu seras mon gendre.»

Dans un mouvement de gratitude exaltée, Joseph avait promis, juré!... et

quoique sa fiancée ne lui inspirât pas la moindre passion, il se regardait

comme enchaîné pour jamais.

Il raconta ceci avec une mélancolie qu'il ne put vaincre en songeant à la

différence de sa position réelle et des rêves enivrants auxquels il lui

fallait renoncer. Consuelo regarda cette tristesse comme l'indice d'un

amour profond et invincible pour la fille de Keller. Il n'osa la détromper;

et son estime, son abandon complet dans la loyauté et la pureté de Beppo en

augmentèrent d'autant.

Leur voyage ne fut donc troublé par aucune de ces crises et de ces

explosions que l'on eût pu présager en voyant partir ensemble pour un

tête-à-tête de quinze jours, et au milieu de toutes les circonstances qui