37603.fb2 Consuelo - читать онлайн бесплатно полную версию книги . Страница 348

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pouvaient garantir l'impunité, deux jeunes gens aimables, intelligents, et

remplis de sympathie l'un pour l'autre. Quoique Joseph n'aimât pas la fille

de Keller, il consentit à laisser prendre sa fidélité de conscience pour

une fidélité de coeur; et quoiqu'il sentît encore parfois l'orage gronder

dans son sein, il sut si bien l'y maîtriser, que sa chaste compagne,

dormant au fond des bois sur la bruyère, gardée par lui comme par un chien

fidèle, traversant à ses côtés des solitudes profondes, loin de tout regard

humain, passant maintes fois la nuit avec lui dans la même grange ou dans

la même grotte, ne se douta pas une seule fois de ses combats et des

mérites de sa victoire. Dans sa vieillesse, lorsque Haydn lut les premiers

livres des Confessions de Jean-Jacques Rousseau, il sourit avec des yeux

baignés de larmes en se rappelant sa traversée du Boehmer-Wald avec

Consuelo, l'amour tremblant et la pieuse innocence pour compagnons de

voyage.

Une fois, pourtant, la vertu du jeune musicien se trouva à une rude

épreuve. Lorsque le temps était beau, les chemins faciles, et la lune

brillante, ils adoptaient la vraie et bonne manière de voyager pédestrement

sans courir les risques des mauvais gîtes. Ils s'établissaient dans quelque

lieu tranquille et abrité pour y passer la journée à causer, à dîner, à

faire de la musique et à dormir. Aussitôt que la soirée devenait froide,

ils achevaient de souper, pliaient bagage, et reprenaient leur course

jusqu'au jour. Ils échappaient ainsi à la fatigue d'une marche au soleil,

aux dangers d'être examinés curieusement, à la malpropreté et à la dépense

des auberges. Mais lorsque la pluie, qui devint assez fréquente dans la

partie élevée du Boehmer-Wald où la Moldaw prend sa source, les forçait de

chercher un abri, ils se retiraient où ils pouvaient, tantôt dans la cabane

de quelque serf, tantôt dans les hangars de quelque châtellenie. Ils

fuyaient avec soin les cabarets, où ils eussent pu trouver plus facilement

à se loger, dans la crainte des mauvaises rencontres, des propos grossiers,

et des scènes bruyantes.

Un soir donc, pressés par l'orage, ils entrèrent dans la hutte d'un

chevrier, qui, pour toute démonstration d'hospitalité, leur dit en bâillant

et en étendant les bras du côté de sa bergerie:

«Allez au foin.»

Consuelo se glissa dans un coin bien sombre, comme elle avait coutume

de faire, et Joseph allait s'installer à distance dans un autre coin,

lorsqu'il heurta les jambes d'un homme endormi qui l'apostropha rudement.

D'autres jurements répondirent à l'imprécation du dormeur, et Joseph,

effrayé de cette compagnie, se rapprocha de Consuelo et lui saisit le bras

pour être sûr que personne ne se mettrait entre eux. D'abord leur pensée

fut de sortir; mais la pluie ruisselait à grand bruit sur le toit de

planches de la hutte, et tout le monde était rendormi.

«Restons, dit Joseph à voix basse, jusqu'à ce que la pluie ait cessé. Vous

pouvez dormir sans crainte, je ne fermerai pas l'oeil, je resterai près de

vous. Personne ne peut se douter qu'il y ait une femme ici. Aussitôt que le

temps redeviendra supportable, je vous éveillerai, et nous nous glisserons

dehors.»

Consuelo n'était pas fort rassurée; mais il y avait plus de danger à sortir

tout de suite qu'à rester. Le chevrier et ses hôtes remarqueraient cette

crainte de demeurer avec eux; ils en prendraient des soupçons, ou sur leur