37603.fb2 Consuelo - читать онлайн бесплатно полную версию книги . Страница 360

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Quant à Joseph, sa situation était fort différente. La tête montée par

Le souper, il se figurait avoir rencontré un puissant protecteur et le

promoteur de sa fortune future. La pensée ne lui venait pas d'abandonner

Consuelo pour suivre ce nouvel ami; mais, un peu gris comme il l'était,

Il se livrait à l'espérance de le retrouver un jour. Il se fiait à sa

bienveillance, et l'en remerciait avec chaleur. Dans cet enivrement de

joie, il prit son violon, et en joua tout de travers. M. Mayer ne l'en

applaudit que davantage, soit qu'il ne voulût pas le chagriner en lui

faisant remarquer ses fausses notes, soit, comme le pensa Consuelo,

qu'il fût lui-même un très-médiocre musicien. L'erreur où il était

très-réellement sur le sexe de cette dernière, quoiqu'il l'eût entendue

chanter, achevait de lui démontrer qu'il ne pouvait pas être un professeur

bien exercé d'oreille, puisqu'il s'en laissait imposer comme eût pu le

faire un serpent de village ou un professeur de trompette.

Cependant M. Mayer insistait toujours pour qu'ils se laissassent emmener à

Dresde. Tout en refusant, Joseph écoutait ses offres d'un air ébloui,

et faisait de telles promesses de s'y rendre le plus tôt possible, que

Consuelo se vit forcée de détromper M. Mayer sur la possibilité de cet

arrangement.

«Il n'y faut pas songer quant à présent, dit-elle d'un ton très-ferme;

Joseph, vous savez bien que cela ne se peut pas, et que vous-même avez

d'autres projets. Mayer renouvela ses offres séduisantes, et fut surpris de

la trouver inébranlable, ainsi que Joseph, à qui la raison revenait lorsque

le signor Bertoni reprenait la parole.»

Sur ces entrefaites, le voyageur silencieux, qui n'avait fait qu'une courte

apparition au souper, vint appeler M. Mayer, qui sortit avec lui. Consuelo

profita de ce moment pour gronder Joseph de sa facilité à écouter les

belles paroles du premier venu et les inspirations du bon vin.

«Ai-je donc dit quelque chose de trop? dit Joseph effrayé.

--Non, reprit-elle; mais c'est déjà une imprudence que de faire société

aussi longtemps avec des inconnus. A force de me regarder, on peut

s'apercevoir ou tout au moins se douter que je ne suis pas un garçon.

J'ai eu beau frotter mes mains avec mon crayon pour les noircir, et les

tenir le plus possible sous la table, il eût été impossible qu'on ne

remarquât point leur faiblesse, si heureusement ces deux messieurs

n'avaient été absorbés, l'un par la bouteille, et l'autre par son propre

babil. Maintenant le plus prudent serait de nous éclipser, et d'aller

dormir dans une autre auberge; car je ne suis pas tranquille avec ces

nouvelles connaissances qui semblent vouloir s'attacher à nos pas.

--Eh quoi! dit Joseph, nous en aller honteusement comme des ingrats, sans

saluer et sans remercier cet honnête homme, cet illustre professeur,

peut-être? Qui sait si ce n'est pas le grand Hasse lui-même que nous

venons d'entretenir.

--Je vous réponds que non; et si vous aviez eu votre tête, vous auriez

remarqué une foule de lieux communs misérables qu'il a dits sur la musique.

Un maître ne parle point ainsi. C'est quelque musicien des derniers rangs

de l'orchestre, bonhomme, grand parleur et passablement ivrogne. Je ne sais

pourquoi je crois voir, à sa figure, qu'il n'a jamais soufflé que dans du

cuivre; et, à son regard de travers, on dirait qu'il a toujours un oeil

sur son chef d'orchestre.