37603.fb2 Consuelo - читать онлайн бесплатно полную версию книги . Страница 362

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marchait tantôt devant, tantôt derrière. Joseph babillait sur nouveaux

frais avec M. Mayer, et Consuelo essayait de s'endormir, faisant semblant

de dormir déjà pour autoriser son silence.

La fatigue surmonta enfin la tristesse et l'inquiétude, et elle tomba

dans un profond sommeil. Lorsqu'elle s'éveilla, Joseph dormait aussi, et

M. Mayer était enfin silencieux. La pluie avait cessé, le ciel était pur,

et le jour commençait à poindre. Le pays avait un aspect tout à fait

inconnu pour Consuelo. Seulement elle voyait de temps en temps paraître

à l'horizon les cimes d'une chaîne de montagnes qui ressemblait au

Boehmer-Wald.

A mesure que la torpeur du sommeil se dissipait, Consuelo remarquait avec

surprise la position de ces montagnes, qui eussent dû se trouver à sa

gauche, et qui se trouvaient à sa droite. Les étoiles avaient disparu,

et le soleil, qu'elle s'attendait à voir lever devant elle, ne se montrait

pas encore. Elle pensa que ce qu'elle voyait était une autre chaîne que

celle du Boehmer-Wald. M. Mayer ronflait, et elle n'osait adresser la

parole au conducteur de la voiture, seul personnage éveillé qui s'y trouvât

en ce moment.

Le cheval prit le pas pour monter une côte assez rapide, et le bruit

des roues s'amortit dans le sable humide des ornières. Ce fut alors que

Consuelo entendit très-distinctement, le même sanglot sourd et douloureux

qu'elle avait entendu dans la cour de l'auberge à Biberek. Cette voix

semblait partir de derrière elle. Elle se retourna machinalement, et ne vit

que le dossier de cuir contre lequel elle était appuyée. Elle crut être

en proie à une hallucination; et, ses pensées se reportant toujours sur

Albert, elle se persuada avec angoisse qu'en cet instant même il était à

l'agonie, et qu'elle recueillait, grâce à la puissance incompréhensible de

l'amour que ressentait cet homme bizarre, le bruit lugubre et déchirant

de ses derniers soupirs. Cette fantaisie s'empara tellement de son cerveau,

qu'elle se sentit défaillir; et, craignant de suffoquer tout à fait, elle

demanda au conducteur, qui s'arrêtait pour faire souffler son cheval à

mi-côte, la permission de monter le reste à pied. Il y consentit, et

mettant pied à terre lui-même, il marcha auprès du cheval en sifflant.

Cet homme était trop bien habillé pour être un voiturier de profession.

Dans un mouvement qu'il fit, Consuelo crut voir qu'il avait des pistolets

à sa ceinture. Cette précaution dans un pays aussi désert que celui où

ils se trouvaient, n'avait rien que de naturel; et d'ailleurs la forme de

la voiture, que Consuelo examina en marchant à côté de la roue, annonçait

qu'elle portait des marchandises. Elle était trop profonde pour qu'il n'y

eût pas, derrière la banquette du fond, une double caisse, comme celles où

l'on met les valeurs et les dépêches. Cependant elle ne paraissait pas

très-chargée, un seul cheval la traînait sans peine. Une observation qui

frappa Consuelo bien davantage fut de voir son ombre s'allonger devant

elle; et, en se retournant, elle trouva le soleil tout à fait sorti de

l'horizon au point opposé où elle eût dû le voir, si la voiture eût marché

dans la direction de Passaw.

«De quel côté allons-nous donc? demanda-t-elle au conducteur en se

rapprochant de lui avec empressement: nous tournons le dos à l'Autriche.

--Oui, pour une demi-heure, répondit-il avec beaucoup de tranquillité; nous

revenons sur nos pas, parce que le pont de la rivière que nous avons à