37603.fb2 Consuelo - читать онлайн бесплатно полную версию книги . Страница 38

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--Je n'en sais rien encore.

--Essaie.

--Non; car tout cela, c'est un rêve, et avant que l'on ait décidé si je

suis laide ou non, il ne faut pas que nous fassions tant de beaux

projets. Peut-être que nous sommes fous dans ce moment, et que, comme

l'a dit M. le comte, la Consuelo est affreuse.»

Cette dernière hypothèse rendit à Anzoleto la force de s'en aller.

IX.

A cette époque de sa vie, à peu près inconnue des biographes, un des

meilleurs compositeurs de l'Italie et le plus grand professeur de chant

du dix-huitième siècle, l'élève de Scarlatti, le maître de Hasse, de

Farinelli, de Cafarelli, de la Mingotti, de Salimbini, de Hubert (dit le

_Porporino_), de la Gabrielli, de la Molteni, en un mot le père de la

plus célèbre école de chant de son temps, Nicolas Porpora, languissait

obscurément à Venise, dans un état voisin de la misère et du désespoir.

Il avait dirigé cependant naguère, dans cette même ville, le

Conservatoire de l'_Ospedaletto_, et cette période de sa vie avait été

brillante. Il y avait écrit et fait chanter ses meilleurs opéras, ses

plus belles cantates, et ses principaux ouvrages de musique d'église.

Appelé à Vienne en 1728, il y avait conquis, après quelque combat, la

faveur de l'empereur Charles VI. Favorisé aussi à la cour de Saxe[1],

Porpora avait été appelé ensuite à Londres, où il avait eu la gloire de

rivaliser pendant neuf ou dix ans avec Handel, le maître des maîtres,

dont l'étoile pâlissait à cette époque. Mais le génie de ce dernier

l'avait emporté enfin, et le Porpora, blessé dans son orgueil ainsi que

maltraité dans sa fortune, était revenu à Venise reprendre sans bruit et

non sans peine la direction d'un autre conservatoire. Il y écrivait

encore des opéras: mais c'est avec peine qu'il les faisait représenter;

et le dernier, bien que composé à Venise, fut joué à Londres où il n'eut

point de succès. Son génie avait reçu ces profondes atteintes dont la

fortune et la gloire eussent pu le relever; mais l'ingratitude de Hasse,

de Farinelli, et de Cafarelli, qui l'abandonnèrent de plus en plus,

acheva de briser son coeur, d'aigrir son caractère et d'empoisonner sa

vieillesse. On sait qu'il est mort misérable et désolé, dans sa

quatre-vingtième année, à Naples.

[1 Il donna des leçons de chant et de composition à la princesse

électorale de Saxe, qui fut depuis, en France, la _Grande Dauphine_,

mère de Louis XVI, de Louis XVIII et de Charles X.]

A l'époque où le comte Zustiniani, prévoyant et désirant presque la

défection de Corilla, cherchait à remplacer cette cantatrice, le Porpora

était en proie à de violents accès d'humeur atrabilaire, et son dépit

n'était pas toujours mal fondé; car si l'on aimait et si l'on chantait à

Venise la musique de Jomelli, de Lotti, de Carissimi, de Gasparini, et

d'autres excellents maîtres, on y prisait sans discernement la musique

bouffe de Cocchi, del Buini, de Salvator Apollini, et d'autres

compositeurs plus ou moins indigènes, dont le style commun et facile

flattait le goût des esprits médiocres. Les opéras de Hasse ne pouvaient

plaire à son maître, justement irrité. Le respectable et malheureux

Porpora, fermant son coeur et ses oreilles à la musique des modernes,

cherchait donc à les écraser sous la gloire et l'autorité des anciens.