37603.fb2 Consuelo - читать онлайн бесплатно полную версию книги . Страница 380

Consuelo - читать онлайн бесплатно полную версию книги . Страница 380

sur la musique; et si vous tenez ce que vos figures et vos manières

promettent, je vous engage pour mon orchestre ou mon théâtre de Roswald.

Je veux tout de bon vous présenter à la princesse mon épouse; qu'en

diriez-vous? hein! Ce serait une fortune pour des enfants comme vous.»

Consuelo avait été prise d'une forte envie de rire en entendant le comte se

proposer d'examiner Haydn et elle-même sur la musique. Elle ne put que

s'incliner respectueusement avec de grands efforts pour garder son

sérieux. Joseph, sentant davantage les conséquences avantageuses pour lui

d'une nouvelle protection, remercia et ne refusa pas. Le comte reprit

ses tablettes, et lut à Consuelo la moitié d'un petit opéra italien

singulièrement détestable, et plein de barbarismes, qu'il se promettait

de mettre lui-même en musique et de faire représenter pour la fête de sa

femme par ses acteurs, sur son théâtre, dans son château, ou, pour mieux

dire, dans sa résidence; car, se croyant prince par le fait de sa margrave,

il ne parlait pas autrement.

Consuelo poussait de temps en temps le coude de Joseph pour lui faire

remarquer les bévues du comte, et, succombant sous l'ennui, se disait en

elle-même que, pour s'être laissé séduire par de tels madrigaux, la fameuse

beauté du margraviat héréditaire de Bareith, apanage de Culmbach, devait

être une personne bien éventée, malgré ses titres, ses galanteries et ses

années.

Tout en lisant et en déclamant, le comte croquait des bonbons pour

s'humecter le gosier et en offrait sans cesse aux jeunes voyageurs, qui,

n'ayant rien mangé depuis la veille, et mourant de faim, acceptaient, faute

de mieux, cet aliment plus propre à la tromper qu'à la satisfaire, tout en

se disant que les dragées et les rimes du comte étaient une bien fade

nourriture.

Enfin, vers le soir, on vit paraître à l'horizon les forts et les flèches

de cette ville de Passaw où Consuelo avait pensé le matin ne pouvoir jamais

arriver. Cet aspect, après tant de dangers et de terreurs, lui fut presque

aussi doux que l'eût été en d'autres temps celui de Venise; et lorsqu'elle

traversa le Danube, elle ne put se retenir de donner une poignée de main à

Joseph.

«Est-il votre frère? lui demanda le comte, qui n'avait pas encore songé à

lui faire cette question.

--Oui, Monseigneur, répondit au hasard Consuelo, pour se débarrasser de sa

curiosité.

--Vous ne vous ressemblez pourtant pas, dit le comte.

--Il y a tant d'enfants qui ne ressemblent pas à leur père! répondit

gaiement Joseph.

--Vous n'avez pas été élevés ensemble?

Non, monseigneur. Dans notre condition errante, on est élevé où l'on peut

et comme l'on peut.

--Je ne sais pourquoi je m'imagine pourtant, dit le comte à Consuelo, en

baissant la voix, que vous êtes _bien né_. Tout dans votre personne et

votre langage annonce une distinction naturelle.

--Je ne sais pas du tout comment je suis né, monseigneur, répondit-elle en

riant. Je dois être né musicien de père en fils; car je n'aime au monde que

la musique.

--Pourquoi êtes-vous habillé en paysan de Moravie?