37603.fb2 Consuelo - читать онлайн бесплатно полную версию книги . Страница 385

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prescrivit l'opulent pédagogue, avec docilité, de quelque mauvais goût

qu'elles fussent, et laissa même résonner naturellement sa belle voix, ne

craignant plus de se trahir, puisque le comte était résolu à s'attribuer

jusqu'à l'éclat subit et à la pureté céleste que prenait son organe de

moment en moment.

«Comme cela s'éclaircit, à mesure que je lui montre comment il faut ouvrir

la bouche et porter la voix! disait-il à Joseph en se retournant vers

lui d'un air de triomphe. La clarté de l'enseignement, la persévérance,

l'exemple, voilà les trois choses avec lesquelles on forme des chanteurs et

des déclamateurs en peu de temps. Nous reprendrons demain une leçon; car

nous avons dix leçons à prendre, au bout desquelles vous saurez chanter.

Nous avons _le coulé, le flatté, le port de voix tenu et le port de voix

achevé, la chute, l'inflexion tendre, le martèlement gai, le cadencé

feinte_, etc., etc. Allez prendre du repos; je vous ai fait préparer des

chambres, dans ce palais. Je m'arrête ici pour mes affaires jusqu'à midi.

Vous déjeunerez, et vous me suivrez jusqu'à Vienne. Considérez-vous dès à

présent comme étant à mon service. Pour commencer, Joseph, allez dire à mon

valet de chambre de venir m'éclairer jusqu'à mon appartement. Toi, dit-il

à Consuelo, reste, et recommence-moi la dernière roulade que je t'ai

enseignée. Je n'en suis pas parfaitement content.»

A peine Joseph fut-il sorti, que le comte, prenant les deux mains de

Consuelo avec des regards fort expressifs, essaya de l'attirer près de lui.

Interrompue dans sa roulade, Consuelo le regardait aussi avec beaucoup

d'étonnement, croyant qu'il voulait lui faire battre la mesure; mais elle

lui retira brusquement ses mains et se recula au bout de la table, en

voyant ses yeux enflammés et son sourire libertin.

«Allons! vous voulez faire la prude? dit le comte en reprenant son air

indolent et superbe. Eh bien, ma mignonne, nous avons un petit amant? Il

est fort laid, le pauvre hère, et j'espère qu'à partir d'aujourd'hui vous

y renoncerez. Votre fortune est faite, si vous n'hésitez pas; car je n'aime

pas les lenteurs. Vous êtes une charmante fille, pleine d'intelligence

et de douceur; vous me plaisez beaucoup, et, dès le premier coup d'oeil

que j'ai jeté sur vous, j'ai vu que vous n'étiez pas faite pour courir

la pretentaine avec ce petit drôle. J'aurai soin de lui pourtant; je

l'enverrai à Roswald, et je me charge de son sort. Quant à vous, vous

resterez à Vienne. Je vous y logerai convenablement, et même, si vous êtes

prudente et modeste, je vous produirai dans le monde. Quand vous saurez la

musique, vous serez la prima-donna de mon théâtre, et vous reverrez votre

petit ami de rencontre, quand je vous mènerai à ma résidence. Est-ce

entendu?

--Oui, monsieur le comte, répondit Consuelo avec beaucoup de gravité et en

faisant un grand salut; c'est parfaitement entendu.»

Joseph rentra en cet instant avec le valet de chambre, qui portait deux

flambeaux, et le comte sortit en donnant un petit coup sur la joue de

Joseph et en adressant à Consuelo un sourire d'intelligence.

«Il est d'un ridicule achevé, dit Joseph à sa compagne dès qu'il fut seul

avec elle.

--Plus achevé encore que tu ne penses, lui répondit-elle d'un air pensif.

--C'est égal, c'est le meilleur homme du monde, et il me sera fort utile à

Vienne.