37603.fb2 Consuelo - читать онлайн бесплатно полную версию книги . Страница 389

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certain groupe d'individus, tour à tour et simultanément, un peu esclave,

un peu maître, bon gré, mal gré, sans se l'avouer et sans y prétendre.

Nul ne sait où je suis! Certes c'est une pensée d'isolement qui a son

charme, un charme inexprimable, féroce en apparence, légitime et doux dans

le fond. Nous sommes faits pour vivre de la vie de réciprocité. La route du

devoir est longue, rigide, et n'a d'horizon que la mort, qui est peut-être

à peine le repos d'une nuit. Marchons donc, et sans ménager nos pieds! Mais

si, dans des circonstances rares et bienfaisantes, où le repos peut être

inoffensif, et l'isolement sans remords, un vert sentier s'offre sous nos

pas, mettons à profit quelques heures de solitude et de contemplation. Ces

heures nonchalantes sont bien nécessaires à l'homme actif et courageux

pour retremper ses forces; et je dis que, plus votre coeur est dévoré du

zèle de la maison de Dieu (qui n'est autre que l'humanité), plus vous êtes

propre à apprécier quelques instants d'isolement pour rentrer en possession

de vous-même. L'égoïste est seul toujours et partout. Son âme n'est jamais

fatiguée d'aimer, de souffrir et de persévérer; elle est inerte et froide,

et n'a pas plus besoin de sommeil et de silence qu'un cadavre. Celui qui

aime est rarement seul, et, quand il l'est, il s'en trouve bien. Son âme

peut goûter une suspension d'activité qui est comme le profond sommeil d'un

corps vigoureux. Ce sommeil est le bon témoignage des fatigues passées, et

le précurseur des épreuves nouvelles auxquelles il se prépare. Je ne crois

guère à la véritable douleur de ceux qui ne cherchent pas à se distraire,

ni à l'absolu dévouement de ceux qui n'ont jamais besoin de se reposer.

Ou leur douleur est un accablement qui révèle qu'ils sont brisés, éteints,

Et qu'ils n'auraient plus la force d'aimer ce qu'ils ont perdu; ou leur

dévouement sans relâche et sans défaillance d'activité cache quelque

honteuse convoitise, quelque dédommagement égoïste et coupable, dont je me

méfie.

Ces réflexions, un peu trop longues, ne sont pas hors de place dans le

récit de la vie de Consuelo, âme active et dévouée s'il en fut, qu'eussent

pu cependant accuser parfois d'égoïsme et de légèreté ceux qui ne savaient

pas la comprendre.

LXXIV.

Le premier jour de ce nouveau trajet, comme nos voyageurs traversaient une

petite rivière sur un pont de bois, ils virent une pauvre mendiante qui

tenait une petite fille dans ses bras, et qui était accroupie le long du

parapet pour tendre la main aux passants. L'enfant était pâle et souffrant,

la femme hâve et grelottant de la fièvre. Consuelo fut saisie d'un profond

sentiment de sympathie et de pitié pour ces malheureux, qui lui rappelaient

sa mère et sa propre enfance.

«Voilà comme nous étions quelquefois, dit-elle à Joseph, qui la comprit

à demi-mot, et qui s'arrêta avec elle à considérer et à questionner la

mendiante.

--Hélas! leur dit celle-ci, j'étais fort heureuse encore il y a peu de

jours. Je suis une paysanne des environs de Harmanitz en Bohême. J'avais

épousé, il y a cinq ans, un beau et grand cousin à moi, qui était le plus

laborieux des ouvriers et le meilleur des maris. Au bout d'un an de

mariage, mon pauvre Karl, étant allé faire du bois dans les montagnes,

disparut tout à coup et sans que personne pût savoir ce qu'il était devenu.

Je tombai dans la misère et dans le chagrin. Je croyais que mon mari avait