37603.fb2 Consuelo - читать онлайн бесплатно полную версию книги . Страница 391

Consuelo - читать онлайн бесплатно полную версию книги . Страница 391

pauvre homme; et il se mit à courir vers eux plus vite qu'il ne s'était

enfui, malgré les prières et les signes que je lui faisais pour qu'il

nous laissât mourir. Quand ces tigres le tinrent entre leurs mains, ils

l'accablèrent de coups et le mirent tout en sang. Je voulais le défendre;

ils me maltraitèrent aussi. En le voyant garrotter sous mes yeux, je

sanglotais, je remplissais l'air de mes gémissements. Ils me dirent qu'ils

allaient tuer ma petite si je ne gardais le silence, et ils l'avaient

déjà arrachée de mes bras, lorsque Karl me dit: «Tais-toi, femme, je te

l'ordonne; songe à notre enfant!» J'obéis; mais la violence que je me fis

en voyant frapper, lier et bâillonner mon mari, tandis que ces monstres

me disaient: «Oui, oui, pleure! Tu ne le reverras plus, nous le menons

pendre,» fut si violente, que je tombai comme morte sur le chemin. J'y

restai je ne sais combien d'heures, étendue dans la poussière. Quand,

j'ouvris les yeux, il faisait nuit; ma pauvre enfant, couchée sur moi,

se tordait en sanglotant d'une façon à fendre le coeur, il n'y avait plus

sur le chemin que le sang de mon mari, et la trace des roues de la voiture

qui l'avait emporté. Je restai encore là une heure ou deux, essayant de

consoler et de réchauffer Maria, qui était transie et moitié morte de peur.

Enfin, quand les idées me revinrent, je songeai que ce que j'avais de mieux

à faire ce n'était pas de courir après les ravisseurs, que je ne pourrais

atteindre, mais d'aller faire ma déclaration aux officiers de Wiesenbach,

qui était la ville la plus prochaine. C'est ce que je fis, et ensuite je

résolus de continuer mon voyage jusqu'à Vienne, et d'aller me jeter aux

pieds de l'impératrice, afin qu'elle empêchât du moins que le roi de Prusse

ne fît exécuter la sentence de mort contre mon mari. Sa majesté pouvait le

réclamer comme son sujet, dans le cas où l'on ne pourrait atteindre les

recruteurs. J'ai donc usé de quelques aumônes qu'on m'avait faites sur les

terres de l'évêque de Passaw, où j'avais raconté mon désastre, pour gagner

le Danube dans une charrette, et de là j'ai descendu en bateau jusqu'à la

ville de Moelk. Mais à présent mes ressources sont épuisées. Les personnes

auxquelles je dis mon aventure ne veulent guère me croire, et, dans le

doute si je ne suis pas une intrigante, me donnent si peu, qu'il faut que

je continue ma route à pied. Heureuse si j'arrive dans cinq ou six jours

sans mourir de lassitude! car la maladie et le désespoir m'ont épuisée.

Maintenant, mes chers enfants, si vous avez le moyen de me faire quelque

petite aumône, donnez-la-moi tout de suite, car je ne puis me reposer

davantage; il faut que je marche encore, et encore, comme le Juif errant,

jusqu'à ce que j'aie obtenu justice.

--Oh! ma bonne femme, ma pauvre femme! s'écria Consuelo en serrant la

pauvresse dans ses bras, et en pleurant de joie et de compassion; courage,

courage! Espérez, tranquillisez-vous, votre mari est délivré. Il galope

vers Vienne sur un bon cheval, avec une bourse bien garnie dans sa poche.

--Qu'est-ce que vous dites? s'écria la femme du déserteur dont les yeux

devinrent rouges comme du sang, et les lèvres tremblantes d'un mouvement

convulsif. Vous le savez, vous l'avez vu! O mon Dieu! grand Dieu! Dieu

de bonté!

--Hélas! que faites-vous? dit Joseph à Consuelo. Si vous alliez lui donner

une fausse joie; si le déserteur que nous avons contribué à sauver était un

autre que son mari!

--C'est lui-même, Joseph! Je te dis que c'est lui: rappelle-toi, le borgne,