37603.fb2 Consuelo - читать онлайн бесплатно полную версию книги . Страница 394

Consuelo - читать онлайн бесплатно полную версию книги . Страница 394

terme d'un voyage; mais eussent-ils été encore bien loin de leur but, nos

jeunes artistes ne se seraient pas sentis moins gais qu'ils ne le furent

lorsqu'ils se virent tout à fait à sec. Il faut s'être trouvé ainsi sans

ressources en pays inconnu (Joseph était presque aussi étranger que

Consuelo à cette distance de Vienne) pour savoir quelle sécurité

merveilleuse, quel génie inventif et entreprenant se révèlent comme

par magie à l'artiste qui vient de dépenser son dernier sou. Jusque-là,

c'est une sorte d'agonie, une crainte continuelle de manquer, une

noire appréhension de souffrances, d'embarras et d'humiliations qui

s'évanouissent dès que la dernière pièce de monnaie a sonné. Alors, pour

les âmes poétiques, il y a un monde nouveau qui commence, une sainte

confiance en la charité d'autrui, beaucoup d'illusions charmantes; mais

aussi une aptitude au travail et une disposition à l'aménité qui font

aisément triompher des premiers obstacles. Consuelo, qui portait dans

ce retour à l'indigence de ses premiers ans un sentiment de plaisir

romanesque, et qui se sentait heureuse d'avoir fait le bien en se

dépouillant, trouva tout de suite un expédient pour assurer le repas et

le gîte du soir.

«C'est aujourd'hui dimanche, dit-elle à Joseph; tu vas jouer des airs de

danse en traversant la première ville que nous rencontrerons. Nous ne

ferons pas deux rues sans trouver des gens qui auront envie de danser, et

nous ferons les ménétriers. Est-ce que tu ne sais pas faire un pipeau?

J'aurais bientôt appris à m'en servir, et pourvu que j'en tire quelques

sons, ce sera assez pour t'accompagner.

--Si je sais faire un pipeau! s'écria Joseph; vous allez voir!»

On eut bientôt trouvé au bord de la rivière une belle tige de roseau,

qui fut percée industrieusement, et qui résonna à merveille. L'accord

parfait fut obtenu, la répétition suivit, et nos gens s'en allèrent bien

tranquilles jusqu'à un petit hameau à trois milles de distance où ils

firent leur entrée au son de leurs instruments, et en criant devant chaque

porte: «Qui veut danser? Qui veut sauter? Voilà la musique, voilà le bal

qui commence!»

Ils arrivèrent sur une petite place plantée de beaux arbres: ils étaient

escortés d'une quarantaine d'enfants qui les suivaient au pas de marche, en

criant et en battant des mains. Bientôt de joyeux couples vinrent enlever

la première poussière en ouvrant la danse; et avant que le sol fût battu,

toute la population se rassembla, et fit cercle autour d'un bal champêtre

improvisé sans hésitation et sans conditions. Après les premières valses,

Joseph mit son violon sous son bras, et Consuelo, montant sur sa chaise,

fit un discours aux assistants pour leur prouver que des artistes à jeun

avaient les doigts mous et l'haleine courte. Cinq minutes après, ils

avaient à discrétion pain, laitage, bière et gâteaux. Quant au salaire,

on fut bientôt d'accord: on devait faire une collecte où chacun donnerait

ce qu'il voudrait.

Après avoir mangé, ils remontèrent donc sur un tonneau qu'on roula

triomphalement au milieu de la place, et les danses recommencèrent; mais

au bout de deux heures, elles furent interrompues par une nouvelle qui

mit tout le monde en émoi, et arriva, de bouche en bouche, jusqu'aux

ménétriers; le cordonnier de l'endroit, en achevant à la hâte une paire

de souliers pour une pratique exigeante, venait de se planter son alène