37603.fb2 Consuelo - читать онлайн бесплатно полную версию книги . Страница 396

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sa main enflée à tout le monde pour qu'on le tînt quitte de remplir ses

fonctions d'organiste. L'impossibilité n'était que trop réelle à son gré.

Gottlieb était doué d'une certaine intelligence musicale, et jouait de

l'orgue passablement; mais gâté par les louanges de ses concitoyens et

l'approbation un peu railleuse du chanoine, il mettait un amour-propre

épouvantable à sa direction et à son exécution. Il prit de l'humeur quand

on lui proposa de le faire remplacer par deux artistes de passage: il

aimait mieux que la fête fût manquée, et la messe patronale privée de

musique, que de partager les honneurs du triomphe. Cependant, il fallut

céder: il feignit longtemps de chercher la partition, et ne consentit à

la retrouver que lorsque le curé le menaça d'abandonner aux deux jeunes

artistes le choix et le soin de toute la musique. Il fallut que Consuelo

et Joseph fissent preuve de savoir, en lisant à livre ouvert les passages

réputés les plus difficiles de celle des vingt-six messes de Holzbaüer

qu'on devait exécuter le lendemain. Cette musique, sans génie et sans

originalité, était du moins bien écrite, et facile à saisir, surtout pour

Consuelo, qui avait surmonté tant d'autres épreuves plus importantes. Les

auditeurs furent émerveillés, et Gottlieb qui devenait de plus en plus

soucieux et morose, déclara qu'il avait la fièvre, et qu'il allait se

mettre au lit, enchanté que tout le monde fût content.

Aussitôt les voix et les instruments se rassemblèrent dans l'église, et

nos deux petits maîtres de chapelle improvisés dirigèrent la répétition.

Tout alla au mieux. C'était le brasseur, le tisserand, le maître d'école

et le boulanger du village qui tenaient les quatre violons. Les enfants

faisaient les choeurs avec leurs parents, tous bons paysans ou artisans,

pleins de flegme, d'attention et de bonne volonté. Joseph avait entendu

déjà de la musique de Holzbaüer à Vienne, où elle était en faveur à

cette époque. Il n'eut pas de peine à s'y mettre, et Consuelo, faisant

alternativement sa partie dans toutes les reprises du chant, mena les

choeurs si bien qu'ils se surpassèrent eux-mêmes. Il y avait deux solos

que devaient dire le fils et la nièce de Gottlieb, ses élèves favoris, et

les premiers chanteurs de la paroisse; mais ces deux coryphées ne parurent

point, sous prétexte qu'ils étaient sûrs de leur affaire.

Joseph et Consuelo allèrent souper au presbytère, où un appartement leur

avait été préparé. Le bon curé était dans la joie de son âme, et l'on

voyait qu'il tenait extrêmement à la beauté de sa messe, pour plaire à

M. le chanoine.

Le lendemain, tout était en rumeur dans le village dès avant le jour.

Les cloches sonnaient à grande volée; les chemins se couvraient de fidèles

arrivés du fond des campagnes environnantes, pour assister à la solennité.

Le carrosse du chanoine approchait avec une majestueuse lenteur. L'église

était revêtue de ses plus beaux ornements. Consuelo s'amusait beaucoup

de l'importance que chacun s'attribuait. Il y avait là presque autant

d'amour propre et de rivalités en jeu que dans les coulisses d'un théâtre.

Seulement les choses se passaient plus naïvement, et il y avait plus à rire

qu'à s'indigner.

Une demi-heure avant la messe, le sacristain tout effaré vint leur révéler

un grand complot tramé par le jaloux et perfide Gottlieb. Ayant appris que

la répétition avait été excellente, et que tout le personnel musical de

la paroisse était engoué des nouveaux venus, il se faisait très-malade