37603.fb2 Consuelo - читать онлайн бесплатно полную версию книги . Страница 403

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fleurs. Ce jardin réservé était comme une sorte d'élysée. De magnifiques

arbustes d'agrément y ombrageaient les plantes rares à la senteur exquise.

Le sable y était aussi doux aux pieds qu'un tapis; on eût dit que les

gazons étaient peignés brin à brin, tant ils étaient lisses et unis. Les

fleurs étaient si serrées qu'on ne voyait pas la terre, et que chaque

plate-bande arrondie ressemblait à une immense corbeille.

Singulière influence des objets extérieurs sur la disposition de l'esprit

et du corps! Consuelo n'eut pas plus tôt respiré cet air suave et regardé

ce sanctuaire d'un bien-être nonchalant, qu'elle se sentit reposée comme si

elle eût déjà dormi du sommeil des moines.

«Voilà qui est merveilleux! dit-elle à Beppo; je vois ce jardin, et il

ne me souvient déjà plus des pierres du chemin et de mes pieds malades.

Il me semble que je me délasse par les yeux. J'ai toujours eu horreur des

jardins bien tenus, bien gardés, et de tous les endroits clos de murailles;

et pourtant celui-ci, après tant de journées de poussière, après tant de

pas sur la terre sèche et meurtrie, m'apparaît comme un paradis. Je mourais

de soif tout à l'heure, et maintenant, rien que de voir ces plantes

heureuses qui s'ouvrent à la rosée du soir, il me semble que je bois avec

elles, et que je suis désaltérée déjà. Regarde, Joseph; y a-t-il quelque

chose de plus charmant que des fleurs épanouies au clair de la lune?

Regarde, te dis-je, et ne ris pas, ce paquet de grosses étoiles blanches,

là, au beau milieu du gazon. Je ne sais comment on les appelle; des belles

de nuit, je crois? Oh! elles sont bien nommées! Elles sont belles et pures

comme les étoiles du ciel. Elles se penchent et se relèvent toutes ensemble

au souffle de la brise légère, et elles ont l'air de rire et de folâtrer

comme une troupe de petites filles vêtues de blanc. Elles me rappellent

mes compagnes, de la _scuola_, lorsque le dimanche, elles couraient toutes

habillées en novices le long des grands murs de l'église. Et puis les

voilà qui s'arrêtent dans l'air immobile, et qui regardent toutes du côté

de la lune. On dirait maintenant qu'elles la contemplent et qu'elles

l'admirent. La lune aussi semble les regarder, les couver et planer sur

elles comme un grand oiseau de nuit. Crois-tu donc, Beppo, que ces êtres-là

soient insensibles? Moi, je m'imagine qu'une belle fleur ne végète pas

stupidement, sans éprouver des sensations délicieuses. Passe pour ces

pauvres petits chardons que nous voyons le long des fossés, et qui se

traînent là poudreux, malades, broutés par tous les troupeaux qui passent!

Ils ont l'air de pauvres mendiants soupirant après une goutte d'eau qui

ne leur arrive pas; la terre gercée et altérée la boit avidement sans en

faire part à leurs racines. Mais ces fleurs de jardin dont on prend si

grand soin, elles sont heureuses et fières comme des reines. Elles passent

leur temps à se balancer coquettement sur leurs tiges, et quand vient

la lune, leur bonne amie, elles sont là toutes béantes, plongées dans un

demi-sommeil, et visitées par de doux rêves. Elles se demandent peut-être

s'il y a des fleurs dans la lune, comme, nous autres nous nous demandons

s'il s'y trouve des êtres humains. Allons Joseph, tu te moques de moi, et

pourtant le bien-être que j'éprouve en regardant ces étoiles blanches n'est

point une illusion. Il y a dans l'air épuré et rafraîchi par elles quelque

chose de souverain, et je sens une espèce de rapport entre ma vie et celle

de tout ce qui vit autour de moi.

--Comment pourrais-je me moquer! répondit Joseph en soupirant. Je sens à