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commentaires sur la doctrine et les éclaircissements sur le dogme, pour peu

qu'un membre distingué du chapitre proposât de faire des recherches, de

compulser des parchemins, de griffonner des mémoires de procédure, des

réclamations, voire des libelles contre de riches adversaires, on lui

accordait le lucratif et agréable droit de rentrer dans la vie privée et de

manger son revenu soit en voyages, soit dans sa maison bénéficiale, au coin

de son feu. Ainsi faisait notre chanoine.

Homme d'esprit, beau diseur, écrivain élégant, il avait promis, il se

promettait, et il devait promettre toute sa vie de faire un livre sur les

droits, immunités et privilèges de son chapitre. Entouré d'_in-quarto_

poudreux qu'il n'avait jamais ouverts, il n'avait pas fait le sien, il ne

le faisait pas, il ne devait jamais le faire. Les deux secrétaires qu'il

avait engagés aux frais du chapitre, étaient occupés à parfumer sa

personne et à préparer son repas. On parlait beaucoup du fameux livre;

on l'attendait, on bâtissait sur la puissance de ses arguments mille rêves

de gloire, de vengeance et d'argent. Ce livre, qui n'existait pas, avait

déjà fait à son auteur une réputation de persévérance, d'érudition et

d'éloquence, dont il n'était pas pressé de fournir la preuve; non qu'il

fût incapable de justifier l'opinion favorable de ses confrères, mais

parce que la vie est courte, les repas longs; la toilette indispensable,

et le _far niente_ délicieux. Et puis notre chanoine avait deux passions

innocentes mais insatiables: il aimait l'horticulture et la musique.

Avec tant d'affaires et d'occupations, où eût-il trouvé le temps de faire

son livre? Enfin, il est si doux de parler d'un livre qu'on ne fait pas,

et si désagréable au contraire d'entendre parler de celui qu'on a fait!

Le bénéfice de ce saint personnage consistait en une terre d'un bon

rapport, annexée au prieuré sécularisé où il vivait huit à neuf mois

de l'année, adonné à la culture de ses fleurs et à celle de son estomac.

L'habitation était spacieuse et romantique. Il l'avait rendue confortable

et même luxueuse. Abandonnant à une lente destruction le corps de logis

qu'avaient habité les anciens moines, il entretenait avec soin et ornait

avec goût la partie la plus favorable à ses habitudes de bien-être.

De nouvelles distributions avaient fait de l'antique monastère un vrai

petit château où il menait une vie de gentilhomme. C'était un excellent

naturel d'homme d'église: tolérant, bel esprit au besoin, orthodoxe et

disert avec ceux de son état, enjoué, anecdotique et facile avec ceux du

monde, affable, cordial et généreux avec les artistes. Ses domestiques,

participant à la bonne vie qu'il savait se faire, l'aidaient de tout leur

pouvoir. Sa gouvernante était un peu tracassière, mais elle lui faisait de

si bonnes confitures, et s'entendait si bien à conserver ses fruits, qu'il

supportait sa méchante humeur, et soutenait l'orage avec calme, se disant

qu'un homme doit savoir supporter les défauts d'autrui, mais qu'il ne peut

se passer de beau dessert et de bon café.

Nos jeunes artistes furent accueillis par lui avec la plus gracieuse

bonhomie.

«Vous êtes des enfants pleins d'esprit et d'invention, leur dit-il, et je

vous aime de tout mon coeur. De plus, vous avez infiniment de talent; et

il y a un de vous deux, je ne sais plus lequel, qui possède la voix la plus

douce, la plus sympathique, la plus émouvante que j'aie entendue de ma vie.

Cette voix-là est un prodige, un trésor; et j'étais tout triste, ce soir,