37603.fb2 Consuelo - читать онлайн бесплатно полную версию книги . Страница 413

Consuelo - читать онлайн бесплатно полную версию книги . Страница 413

des recherches de parfums que le plus matinal et le plus pur des rayons du

soleil est seul digne d'entrevoir et de posséder un instant. Le parterre du

chanoine était un lieu de délices pour un amateur d'horticulture. Aux yeux

de Consuelo il était trop symétrique et trop soigné. Mais les cinquante

espèces de roses, les rares et charmants hibiscus, les sauges purpurines,

les géraniums variés à l'infini, les daturas embaumés, profondes coupes

d'opales imprégnées de l'ambroisie des dieux; les élégantes asclépiades,

poisons subtils où l'insecte trouve la mort dans la volupté; les splendides

cactées, étalant leurs éclatantes rosaces sur des tiges rugueuses

bizarrement agencées; mille plantes curieuses et superbes que Consuelo

n'avait jamais vues, et dont elle ne savait ni les noms ni la patrie,

occupèrent son attention pendant longtemps.

En examinant leurs diverses attitudes et l'expression du sentiment que

chacune de leurs physionomies semblait traduire, elle cherchait dans son

esprit le rapport de la musique avec les fleurs, et voulait se rendre

compte de l'association de ces deux instincts dans l'organisation de

son hôte. Il y avait longtemps que l'harmonie des sons lui avait semblé

répondre d'une certaine manière à l'harmonie des couleurs; mais l'harmonie

de ces harmonies, il lui sembla que c'était le parfum. En cet instant,

plongée dans une vague et douce rêverie, elle s'imaginait entendre une voix

sortir de chacune de ces corolles charmantes, et lui raconter les mystères

de la poésie dans une langue jusqu'alors inconnue pour elle. La rose lui

disait ses ardentes amours, le lis sa chasteté céleste; le magnolia superbe

l'entretenait des pures jouissances d'une sainte fierté; et la mignonne

hépathique lui racontait tout bas les délices de la vie simple et cachée.

Certaines fleurs avaient de fortes voix qui disaient d'un accent large

et puissant: «Je suis belle et je règne.» D'autres qui murmuraient avec

des sons à peine saisissables, mais d'une douceur infinie et d'un charme

pénétrant: «Je suis petite et je suis aimée,» disaient-elles; et toutes

ensemble se balançaient en mesure au vent du matin, unissant leurs voix

dans un choeur aérien qui se perdait peu à peu dans les herbes émues, et

sous les feuillages avides d'en recueillir le sens mystérieux.

Tout à coup, au milieu de ces harmonies idéales et de cette contemplation

délicieuse, Consuelo entendit des cris aigus, horribles et bien

douloureusement humains, partir de derrière les massifs d'arbres qui lui

cachaient le mur d'enceinte. A ces cris, qui se perdirent dans le silence

de la campagne, succéda le roulement d'une voiture, puis la voiture parut

s'arrêter, et l'on frappa à grands coups sur la grille de fer qui fermait

le jardin de ce côté-là. Mais, soit que tout le monde fût encore endormi

dans la maison, soit que personne ne voulût répondre, on frappa vainement

à plusieurs reprises, et les cris perçants d'une voix de femme, entrecoupés

par les jurements énergiques d'une voix d'homme qui appelait au secours,

frappèrent les murs du prieuré et n'éveillèrent pas plus d'échos sur ces

pierres insensibles que dans le coeur de ceux qui les habitaient. Toutes

les fenêtres de cette façade étaient si bien calfeutrées pour protéger

le sommeil du chanoine, qu'aucun bruit extérieur ne pouvait percer les

volets de plein chêne garnis de cuir et rembourrés de crin. Les valets,

occupés dans le préau situé derrière ce bâtiment, n'entendaient pas les

cris; il n'y avait pas de chiens dans le prieuré. Le chanoine n'aimait pas

ces gardiens importuns qui, sous prétexte d'écarter les voleurs, troublent