37603.fb2 Consuelo - читать онлайн бесплатно полную версию книги . Страница 419

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le bras de Consuelo sur lequel elle imprima ses ongles crispés par la

torture, elle s'écria en rugissant:

«Maudit! maudit! maudit soit le vil, l'infâme Anzoleto!»

La Sofia rentra en cet instant, et un quart d'heure après, ayant réussi à

délivrer sa maîtresse, elle jeta sur les genoux de Consuelo le premier

oripeau qu'elle arracha au hasard d'une malle ouverte à la hâte. C'était

un manteau de théâtre, en salin fané, bordé de franges de clinquant.

Ce fut dans ce lange improvisé que la noble et pure fiancée d'Albert reçut

et enveloppa l'enfant d'Anzoleto et de Corilla.

«Allons, Madame, consolez-vous, dit la pauvre soubrette avec un accent de

bonté simple et sincère: vous êtes heureusement accouchée, et vous avez

une belle petite fille.

--Fille ou garçon, je ne souffre plus, répondit la Corilla en se relevant

sur son coude, sans regarder son enfant; donne-moi un grand verre de vin.»

Joseph venait d'en apporter du prieuré, et du meilleur. Le chanoine s'était

exécuté généreusement, et bientôt la malade eut à discrétion tout ce que

son état réclamait. Corilla souleva d'une main ferme le gobelet d'argent

qu'on lui présentait, et le vida avec l'aplomb d'une vivandière; puis,

se jetant sur les bons coussins du chanoine, elle s'y endormit aussitôt

avec la profonde insouciance que donnent un corps de fer et une âme de

glace. Pendant son sommeil, l'enfant fut convenablement emmailloté, et

Consuelo alla chercher dans la prairie voisine une brebis qui lui servit

de première nourrice. Lorsque la mère s'éveilla, elle se fit soulever par

la Sofia; et, ayant encore avalé un verre de vin, elle se recueillit un

instant; Consuelo; tenant l'enfant dans ses bras, attendait le réveil de

la tendresse maternelle: Corilla avait bien autre chose en tête. Elle posa

sa voix en _ut_ majeur, et fit gravement une gamme de deux octaves. Alors

elle frappa ses mains l'une dans l'autre, en s'écriant:

«_Brava_, Corilla! tu n'as rien perdu de ta voix, et tu peux faire des

enfants tant qu'il te plaira!»

Puis elle éclata de rire, embrassa la Sofia, et lui mit au doigt un diamant

qu'elle avait au sien, en lui disant:

«C'est pour te consoler des injures que je t'ai dites. Où est mon petit

singe? Ah! mon Dieu, s'écria-t-elle en regardant son enfant, il est blond,

il lui ressemble! Tant pis pour lui! malheur à lui; ne défaites pas tant de

malles, Sofia! à quoi songez-vous! croyez-vous que je veuille rester ici?

Allons donc! vous êtes sotte, et vous ne savez pas encore ce que c'est que

la vie. Demain, je compte bien me remettre en route. Ah! zingaro, tu portes

les enfants comme une vraie femme. Combien veux-tu pour tes soins et pour

ta peine? Sais-tu, Sofia, que jamais je n'ai été mieux soignée et mieux

servie? Tu es donc de Venise, mon petit ami? m'as-tu entendue chanter?»

Consuelo ne répondit rien à ces questions, dont on n'eût pas écouté la

réponse. La Corilla lui faisait horreur. Elle remit l'enfant à la servante

du cabaret, qui venait de rentrer et qui paraissait une bonne créature;

puis elle appela Joseph et retourna avec lui au prieuré.

«Je ne m'étais pas engagé, lui dit, chemin faisant, son compagnon, à vous

ramener au chanoine. Il paraissait honteux de sa conduite, quoiqu'il

affectât beaucoup de grâce et d'enjouement; malgré son égoïsme, ce n'est

pas un méchant homme. Il s'est montré vraiment heureux d'envoyer à la

Corilla tout ce qui pouvait lui être utile.