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femme et une tendre mère, reprit Consuelo. Si elle était là pour vous

juger, et que vous vinssiez à lui dire avec l'accent de la vérité, que la

vérité seule peut avoir: «Reine, j'ai balancé un instant entre la crainte

de donner des armes à mes ennemis et, le besoin de pratiquer la première

vertu de mon état, la charité; j'ai vu d'un côté des calomnies, des

intrigues auxquelles je pouvais succomber, de l'autre un pauvre être

abandonné du ciel et des hommes, qui n'avait de refuge, que dans ma

pitié, et d'avenir que dans ma sollicitude; et j'ai choisi de risquer ma

réputation, mon repos et ma fortune, pour faire les oeuvres de la foi et

de la miséricorde.» Ah! je n'en doute pas, si vous disiez cela à Marie

Thérèse, Marie-Thérèse, qui peut tout, au lieu d'un prieuré, vous donnerait

un palais, et au lieu d'un canonicat un évêché. N'a-t-elle pas comblé

d'honneurs et de richesses l'abbé Metastasio pour avoir fait des rimes?

que ne ferait-elle pas pour la vertu, si elle récompense ainsi le talent?

Allons, mon révérend, vous garderez cette pauvre Angiolina dans votre

maison; votre jardinière la nourrira, et plus tard vous l'élèverez dans la

religion et dans la vertu. Sa mère en eût fait un démon pour l'enfer, et

vous en ferez un ange pour le ciel!

--Tu fais de moi ce que tu veux, dit le chanoine ému et attendri,

en laissant son favori déposer l'enfant sur ses genoux; allons, nous

baptiserons Angèle demain matin, tu seras son parrain... Si Brigide

était encore là, nous la forcerions à être ta commère, et sa fureur nous

divertirait. Sonne pour qu'on nous amène la nourrice, et que tout soit

fait selon la volonté de Dieu! Quant à la bourse que Corilla nous a

laissée... (oui-da! cinquante sequins de Venise!) nous n'en avons que faire

ici. Je me charge des dépenses présentes pour l'enfant, et de son sort

futur, si on ne le réclame pas. Prends donc cet or, il t'est bien dû pour

la vertu singulière, et le grand coeur dont tu as fait preuve dans tout

ceci.

--De l'or pour payer ma vertu et la bonté de mon coeur! s'écria Consuelo

en repoussant la bourse avec dégoût. Et l'or de la Corilla! le prix du

mensonge, de la prostitution peut-être! Ah! monsieur le chanoine, cela

souille même la vue! Distribuez-le aux pauvres, cela portera bonheur à

notre pauvre Angèle.»

LXXXI.

Pour la première fois de sa vie peut-être le chanoine ne dormit guère. Il

sentait en lui une émotion et une agitation étranges. Sa tête était pleine

d'accords, de mélodies et de modulations qu'un léger sommeil venait briser

à chaque instant, et qu'à chaque intervalle de réveil il cherchait malgré

lui, et même avec une sorte de dépit, à reprendre et à renouer sans pouvoir

y parvenir. Il avait retenu par coeur les phrases les plus saillantes des

morceaux que Consuelo lui avait chantés; il les entendait résonner encore

dans sa cervelle, dans son diaphragme; et puis tout à coup le fil de

l'idée musicale se brisait dans sa mémoire au plus bel endroit, et il la

recommençait mentalement cent fois de suite, sans pouvoir aller une note

plus loin. C'est en vain que, fatigué de cette audition imaginaire, il

s'efforçait de la chasser; elle revenait toujours se placer dans son

oreille, et il lui semblait que la clarté de son feu vacillait en mesure

sur le satin cramoisi de ses rideaux. Les petits sifflements qui sortent

des bûches enflammées avaient l'air de vouloir chanter aussi ces maudites