37603.fb2 Consuelo - читать онлайн бесплатно полную версию книги . Страница 434

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vous en déplaise; et maintenant que vous êtes délivrée de ses poursuites,

maintenant que vous êtes rendue à la liberté, le seul bien, la seule

condition de développement de l'artiste, vous venez me demander s'il ne

faut point vous remettre la pierre au cou pour vous jeter au fond du puits

qu'habite votre amant visionnaire? Eh! allez donc! faites, si bon vous

semble; je ne me mêle plus de vous, et je n'ai plus rien à vous dire.

Je ne perdrai pas mon temps à causer davantage avec une personne qui ne

sait ni ce qu'elle dit, ni ce qu'elle veut. Vous n'avez pas le sens commun,

et je suis votre serviteur.»

En disant cela, le Porpora se mit à son clavecin et improvisa d'une main

ferme et sèche plusieurs modulations savantes pendant lesquelles Consuelo,

désespérant de l'amener ce jour-là à examiner le fond de la question,

réfléchit au moyen de le remettre au moins de meilleure humeur. Elle y

réussit en lui chantant les airs nationaux qu'elle avait appris en Bohême,

et dont l'originalité transporta le vieux maître. Puis elle l'amena

doucement à lui faire voir les dernières compositions qu'il avait essayées.

Elle les lui chanta à livre ouvert avec une si grande perfection, qu'il

retrouva tout son enthousiasme, toute sa tendresse pour elle. L'infortuné,

n'ayant plus d'élève habile auprès de lui, et se méfiant de tout ce qui

l'approchait, ne goûtait plus le plaisir de voir ses pensées rendues par

une belle voix et comprises par une belle âme. Il fut si touché de

s'entendre exprimé selon son coeur, par sa grande et toujours docile

Porporina, qu'il versa des larmes de joie et la pressa sur son sein en

s'écriant:

«Ah! tu es la première cantatrice du monde! Ta voix a doublé de volume et

d'étendue, et tu as fait autant de progrès que si je t'avais donné des

leçons tous les jours depuis un an. Encore, encore, ma fille; redis-moi ce

thème. Tu me donnes le premier instant de bonheur que j'aie goûté depuis

bien des mois!»

Ils dînèrent ensemble, bien maigrement, à une petite table, près de la

fenêtre. Le Porpora était mal logé; sa chambre, triste, sombre et toujours

en désordre, donnait sur un angle de rue étroite et déserte. Consuelo,

le voyant bien disposé, se hasarda à lui parler de Joseph Haydn. La seule

chose qu'elle lui eût cachée, c'était son long voyage pédestre avec ce

jeune homme, et les incidents bizarres qui avaient établi entre eux une

si douce et si loyale intimité. Elle savait que son maître prendrait en

grippe, selon sa coutume, tout aspirant à ses leçons dont on commencerait

par lui faire l'éloge. Elle raconta donc d'un air d'indifférence qu'elle

avait rencontré, dans une voiture aux approches de Vienne, un pauvre petit

diable qui lui avait parlé de l'école du Porpora avec tant de respect et

d'enthousiasme, qu'elle lui avait presque promis d'intercéder en sa faveur

auprès du Porpora lui-même.

«Eh! quel est-il, ce jeune homme? demanda le maestro; à quoi se

destine-t-il? A être artiste, sans doute, puisqu'il est pauvre diable!

Oh! je le remercie de sa clientèle. Je ne veux plus enseigner le chant qu'à

des fils de famille. Ceux-là paient, n'apprennent rien, et sont fiers de

nos leçons, parce qu'ils se figurent savoir quelque chose en sortant de

nos mains. Mais les artistes! tous lâches, tous ingrats, tous traîtres et

menteurs. Qu'on ne m'en parle pas. Je ne veux jamais en voir un franchir

le seuil de cette chambre. Si cela arrivait, vois-tu, je le jetterais par