37603.fb2 Consuelo - читать онлайн бесплатно полную версию книги . Страница 440

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--Je le crois bien, dit Porpora, c'est leur condamnation vivante, leur

arrêt de mort!

--Eh bien, en ce cas, reprit-elle, faites chanter quelque chose de vous,

maître!

--Vous savez, sans doute, que cela n'exciterait la jalousie de personne!

mais moi, je veux qu'elle chante du Haendel! je le veux!

--Maître, n'exigez pas que je chante aujourd'hui, dit Consuelo, j'arrive

d'un long voyage...

--Certainement, ce serait abuser de son obligeance, et je ne lui demande

rien, moi, reprit Wilhelmine. En présence des juges qui sont ici, et de

M. Holzbaüer surtout, qui a la direction du théâtre impérial, il ne faut

pas compromettre votre élève; prenez-y garde!

--La compromettre! à quoi songez-vous? dit brusquement Porpora en haussant

les épaules; je l'ai entendue ce matin, et je sais si elle risque de se

compromettre devant vos Allemands!»

Ce débat fût heureusement interrompu par l'arrivée d'un nouveau personnage.

Tout le monde s'empressa pour lui faire accueil, et Consuelo, qui avait vu

et entendu à Venise, dans son enfance, cet homme grêle, efféminé de visage

avec des manières rogues et une tournure bravache, quoiqu'elle le retrouvât

vieilli, fané, enlaidi, frisé ridiculement et habillé avec le mauvais goût

d'un Céladon suranné, reconnut à l'instant même, tant elle en avait gardé

un profond souvenir, l'incomparable, l'inimitable sopraniste Majorano, dit

Caffarelli ou plutôt Caffariello, comme on l'appelle partout, excepté en

France.

Il était impossible de voir un fat plus impertinent que ce bon Caffariello.

Les femmes l'avaient gâté par leurs engouements, les acclamations du public

lui avaient fait tourner la tête. Il avait été si beau, ou, pour mieux

dire, si joli dans sa jeunesse, qu'il avait débuté en Italie dans les rôles

de femme; maintenant qu'il tirait sur la cinquantaine (il paraissait même

beaucoup plus vieux que son âge, comme la plupart des sopranistes), il

était difficile de le se représenter en Didon, ou en Galathée, sans avoir

grande envie de rire. Pour racheter ce qu'il y avait de bizarre dans sa

personne, il se donnait de grands airs de matamore, et à tout propos

élevait sa voix claire et douce, sans pouvoir en changer la nature. Il y

avait dans toutes ces affectations, et dans cette exubérance de vanité,

un bon côté cependant. Caffariello sentait trop la supériorité de son

talent pour être aimable; mais aussi il sentait trop la dignité de son rôle

d'artiste pour être courtisan. Il tenait tête follement et crânement aux

plus importants personnages, aux souverains même, et pour cela il n'était

point aimé des plats adulateurs, dont son impertinence faisait par trop la

critique. Les vrais amis de l'art lui pardonnaient tout, à cause de son

génie de virtuose; et malgré toutes les lâchetés qu'on lui reprochait

comme homme, on était bien forcé de reconnaître qu'il y avait dans sa vie

des traits de courage et de générosité comme artiste.

Ce n'était point volontairement, et de propos délibéré, qu'il avait montré

de la négligence et une sorte d'ingratitude envers le Porpora. Il se

souvenait bien d'avoir étudié huit ans avec lui, et d'avoir appris de lui

tout ce qu'il savait; mais il se souvenait encore davantage du jour où

son maître lui avait dit: «A présent je n'ai plus rien à t'apprendre:

_Va, figlio mio, tu sei il primo musico del mondo_.» Et, de ce jour,