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Caffariello, qui était effectivement (après Farinelli) le premier chanteur

Du monde, avait cessé de s'intéresser à tout ce qui n'était pas lui-même.

«Puisque je suis le premier, s'était-il dit, apparemment je suis le seul.

Le monde a été créé pour moi; le ciel n'a donné le génie aux poëtes et aux

Compositeurs que pour faire chanter Caffariello. Le Porpora n'a été le

premier maître de chant de l'univers que parce qu'il était destiné à former

Caffariello. Maintenant l'oeuvre du Porpora est finie, sa mission est

achevée, et pour la gloire, pour le bonheur, pour l'immortalité du Porpora,

il suffit que Caffariello vive et chante.» Caffariello avait vécu et

chanté, il était riche et triomphant, le Porpora était pauvre et délaissé;

mais Caffariello était fort tranquille, et se disait qu! il avait amassé

assez d'or et de célébrité pour que son maître fût bien payé d'avoir lancé

dans le monde un prodige tel que lui.

LXXXIV.

Caffariello, en entrant, salua fort peu tout le monde, mais alla baiser

tendrement et respectueusement la main de Wilhelmine: après quoi, il

accosta son directeur Holzbaüer avec un air d'affabilité protectrice, et

secoua la main de son maître Porpora avec une familiarité insouciante.

Partagé entre l'indignation que lui causaient ses manières et la nécessité

de le ménager (car en demandant un opéra de lui au théâtre, et en se

chargeant du premier rôle, Caffariello pouvait rétablir les affaires du

maestro), le Porpora se mit à le complimenter et à le questionner sur les

triomphes qu'il venait d'avoir en France, d'un ton de persiflage trop fin

pour que sa fatuité ne prît pas le change.

«La France?, répondit Caffariello; ne me parlez pas de la France! c'est le

pays de la petite musique, des petits musiciens, des petits amateurs, et

des petits grands seigneurs. Imaginez un faquin comme Louis XV, qui me fait

remettre par un de ses premiers gentilshommes, après m'avoir entendu dans

une demi-douzaine de concerts spirituels, devinez quoi? une mauvaise

tabatière!

--Mais en or, et garnie de diamants de prix, sans doute? dit le Porpora

en tirant avec ostentation la sienne qui n'était qu'en bois de figuier.

--Eh! sans doute, reprit le soprano; mais voyez l'impertinence! point de

portrait! A moi, une simple tabatière, comme si j'avais besoin d'une boîte

pour priser! Fi! quelle bourgeoisie royale! J'en ai été indigné.

--Et j'espère, dit le Porpora en remplissant de tabac son nez malin, que

tu auras donné une bonne leçon à ce petit roi-là?

--Je n'y ai pas manqué, par le corps de Dieu! Monsieur, ai-je dit au

premier gentilhomme en ouvrant un tiroir sous ses yeux éblouis; voilà

trente tabatières, dont la plus chétive vaut trente fois celle que vous

m'offrez; et vous voyez, en outre, que les autres souverains n'ont pas

dédaigné de m'honorer de leurs miniatures. Dites cela au roi votre maître,

Caffariello n'est pas à court de tabatières, Dieu merci!

--Par le sang de Bacchus! voilà un roi qui a dû être bien penaud! reprit

le Porpora.

--Attendez! ce n'est pas tout! Le gentilhomme a eu l'insolence de me

répondre qu'en fait d'étrangers Sa Majesté ne donnait son portrait qu'aux

ambassadeurs!

--Oui-da! le paltoquet! Et qu'as tu répondu?

--Écoutez bien, Monsieur, ai-je dit; apprenez qu'avec tous les ambassadeurs