37603.fb2 Consuelo - читать онлайн бесплатно полную версию книги . Страница 445

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mais on parlait plus vite, on marchait moins légèrement, on croisait

les jambes plus haut, on mettait le dos à la cheminée: enfin on était un

autre homme que dans le monde officiel. On paraissait se plaire davantage

à ce sans-gêne; mais il y avait au fond quelque chose de blessant et de

méprisant que Consuelo sentit tout de suite, quoique ce quelque chose,

masqué par l'habitude du grand monde et les égards qu'on devait à

l'ambassadeur, fût quasi imperceptible.

Le comte Hoditz était, entre tous, remarquable par cette fine nuance de

laisser-aller qui, loin de choquer Wilhelmine, lui semblait un hommage

de plus. Consuelo n'en souffrait que pour cette pauvre personne dont

la gloriole satisfaite lui paraissait misérable. Quant à elle-même,

elle n'en était pas offensée; Zingarella, elle ne prétendait à rien,

et, n'exigeant pas seulement un regard, elle ne se souciait guère d'être

saluée deux ou trois lignes plus haut ou plus bas. «Je viens ici faire mon

métier de chanteuse, se disait-elle, et, pourvu que l'on m'approuve quand

j'ai fini, je ne demande qu'à me tenir inaperçue dans un coin; mais

cette femme, qui mêle sa vanité à son amour (si tant est qu'elle mêle un

peu d'amour à toute cette vanité), combien elle rougirait si elle voyait

le dédain et l'ironie cachés sous des manières si galantes et si

complimenteuses!»

On la fit chanter encore; on la porta aux nues, et elle partagea

littéralement avec Caffariello les honneurs de la soirée. A chaque instant

elle s'attendait à se voir abordée par le comte Hoditz, et à soutenir le

feu de quelque malicieux éloge. Mais, chose étrange! le comte Hoditz ne

s'approcha pas du clavecin, vers lequel elle affectait de se tenir tournée

pour qu'il ne vît pas ses traits, et lorsqu'il se fut enquis de son nom

et de son âge, il ne parut pas avoir jamais entendu parler d'elle. Le fait

est qu'il n'avait pas reçu le billet imprudent que, dans son audace

voyageuse, Consuelo lui avait adressé par la femme du déserteur. Il avait,

en outre, la vue fort basse; et comme ce n'était pas alors la mode de

lorgner en plein salon, il distinguait très-vaguement la pâle figure de

la cantatrice. On s'étonnera peut-être que, mélomane comme il se piquait

d'être, il n'eût pas la curiosité de voir de plus près une virtuose si

remarquable. Il faut qu'on se souvienne que le seigneur morave n'aimait

que sa propre musique, sa propre méthode et ses propres chanteurs. Les

grands talents ne lui inspiraient aucun intérêt et aucune sympathie; il

aimait à rabaisser dans son estime leurs exigences et leurs prétentions:

Et, lorsqu'on lui disait que la Faustina Bordoni gagnait à Londres

cinquante mille francs par an, et Farinelli cent cinquante mille francs,

il haussait les épaules et disait qu'il avait pour cinq cents francs de

gages, à son théâtre de Roswald, en Moravie, des chanteurs formés par lui

qui valaient bien Farinelli, Faustina, et M. Caffariello par-dessus le

marché.

Les grands airs de ce dernier lui étaient particulièrement antipathiques

et insupportables, par la raison que, dans sa sphère, M. le comte Hoditz

avait les mêmes travers et les mêmes ridicules. Si les vantards déplaisent

aux gens modestes et sages, c'est aux vantards surtout qu'ils inspirent le

plus d'aversion et de dégoût. Tout vaniteux déteste son pareil, et raille

en lui le vice qu'il porte en lui-même. Pendant qu'on écoutait le chant de

Caffariello, personne ne songeait à la fortune et au dilettantisme du comte