37603.fb2 Consuelo - читать онлайн бесплатно полную версию книги . Страница 45

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secret d'être présentée par le Porpora pour succéder à la Corilla. Le

professeur avait eu même la malice d'encourager les illusions de

quelques-unes, soit pour les disposer à mieux chanter sa musique devant

Marcello, soit pour se venger, par leur dépit futur, de tout celui

qu'elles lui causaient aux leçons. Ce qu'il y a de certain, c'est que la

Clorinda, qui n'était qu'externe à ce conservatoire, avait fait grande

toilette pour ce jour-là, et s'attendait à prendre place à la droite du

comte; mais quand elle vit cette _guenille_ de Consuelo, avec sa petite

robe noire et son air tranquille, cette _laideron_ qu'elle affectait de

mépriser, réputée désormais la seule musicienne et la seule beauté de

l'école, s'asseoir entre le comte et Marcello, elle devint laide de

colère, laide comme Consuelo ne l'avait jamais été, comme le deviendrait

Vénus en personne, agitée par un sentiment bas et méchant. Anzoleto

l'examinait attentivement, et, triomphant de sa victoire, il s'assit

auprès d'elle, et l'accabla de fadeurs railleuses qu'elle n'eût pas

l'esprit de comprendre et qui la consolèrent bientôt. Elle s'imagina

qu'elle se vengeait de sa rivale en fixant l'attention de son fiancé, et

elle n'épargna rien pour l'enivrer de ses charmes. Mais elle était trop

bornée et l'amant de Consuelo avait trop de finesse pour que cette lutte

inégale ne la couvrît pas de ridicule.

Cependant le comte Zustiniani, en causant avec Consuelo, s'émerveillait

de lui trouver autant de tact, de bon sens et de charme dans la

conversation, qu'il lui avait trouvé de talent et de puissance à

l'église. Quoiqu'elle fût absolument dépourvue de coquetterie, elle

avait dans ses manières une franchise enjouée et une bonhomie confiante

qui inspirait je ne sais quelle sympathie soudaine, irrésistible. Quand

le goûter fut fini, il l'engagea à venir prendre le frais du soir, dans

sa gondole avec ses amis. Marcello en fut dispensé, à cause du mauvais

état de sa santé. Mais le Porpora, le comte Barberigo, et plusieurs

autres patriciens acceptèrent. Anzoleto fut admis. Consuelo, qui se

sentait un peu troublée d'être seule avec tant d'hommes, pria tout bas

le comte de vouloir bien inviter la Clorinda, et Zustiniani, qui ne

comprenait pas le badinage d'Anzoleto avec cette pauvre fille, ne fut

pas fâché de le voir occupé d'une autre que de sa fiancée. Ce noble

comte, grâce à la légèreté de son caractère, grâce à sa belle figure, à

son opulence, à son théâtre, et aussi aux moeurs faciles du pays et de

l'époque, ne manquait pas d'une bonne dose de fatuité. Animé, par le vin

dé Grèce et l'enthousiasme musical, impatient de se venger de _sa

perfide_ Corilla, il n'imagina rien de plus naturel que de faire la cour

à Consuelo; et, s'asseyant près d'elle dans la gondole, tandis qu'il

avait arrangé chacun de manière à ce que l'autre couple de jeunes gens se

trouvât à l'extrémité opposée, il commença à couver du regard sa nouvelle

proie d'une façon fort significative. La bonne Consuelo n'y comprit

pourtant rien du tout. Sa candeur et sa loyauté se seraient refusées à

supposer que le protecteur de son ami pût avoir de si méchants desseins;

mais sa modestie habituelle, que n'altérait en rien le triomphe éclatant

de la journée, ne lui permit pas même de croire de tels desseins

possibles. Elle s'obstina à respecter dans son coeur le seigneur illustre

qui l'adoptait avec Anzoleto, et à s'amuser ingénument d'une partie de

plaisir où elle n'entendait pas malice.