37603.fb2 Consuelo - читать онлайн бесплатно полную версию книги . Страница 465

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--Mais ce n'est pas ce petit monsieur en gilet rose et argent, qui m'a fait

tant de commérages que je croyais entendre une vieille ouvreuse de loges?

--C'est lui-même. Qu'y a-t-il là d'étonnant?

--Moi, je trouve cela fort étonnant, répondit Consuelo, et ce n'était point

là l'idée que je me faisais d'un homme d'État.

--C'est que tu ne vois pas comment marchent les États. Si tu le voyais,

tu trouverais fort surprenant que les hommes d'État fussent autre chose

que de vieilles commères. Allons, silence là-dessus, et faisons notre

métier à travers cette mascarade du monde.

--Hélas! mon maître, dit la jeune fille, devenue pensive en traversant la

vaste esplanade du rempart pour se diriger vers le faubourg où était située

leur modeste demeure: je me demande justement ce que devient notre métier,

au milieu de ces masques si froids ou si menteurs.

--Eh! que veux-tu qu'il devienne? reprit le Porpora avec son ton brusque

et saccadé: il n'a point à devenir ceci ou cela. Heureux ou malheureux,

triomphant ou dédaigné, il reste ce qu'il est: le plus beau, le plus noble

métier de la terre!

--Oh oui! dit Consuelo en ralentissant le pas toujours rapide de son

maître et en s'attachant à son bras, je comprends que la grandeur et la

dignité de notre art ne peuvent pas être rabaissées ou relevées au gré du

caprice frivole ou du mauvais goût qui gouvernent le monde; mais pourquoi

laissons-nous ravaler nos personnes? Pourquoi allons-nous les exposer aux

dédains, ou aux encouragements parfois plus humiliants encore des profanes?

Si l'art est sacré, ne le sommes-nous pas aussi, nous ses prêtres et ses

lévites? Que ne vivons-nous au fond de nos mansardes, heureux de comprendre

et de sentir la musique, et qu'allons-nous faire dans ces salons où l'on

nous écoute en chuchotant, où l'on nous applaudit en pensant à autre chose,

et où l'on rougirait de nous regarder une minute comme des êtres humains,

après que nous avons fini de parader comme des histrions?

--Eh! eh! gronda le Porpora en s'arrêtant, et en frappant sa canne sur le

pavé, quelles sottes vanités et quelles fausses idées nous trottent donc

par la cervelle aujourd'hui? Que sommes-nous, et qu'avons-nous besoin

d'être autre chose que des histrions? Ils nous appellent ainsi par mépris!

Eh! qu'importe si nous sommes histrions par goût, par vocation et par

l'élection du ciel, comme ils sont grands seigneurs par hasard, par

contrainte ou par le suffrage des sots? Oui-da! histrions! ne l'est pas

qui veut! Qu'ils essaient donc de l'être, et nous verrons comme ils s'y

prendront, ces mirmidons qui se croient si beaux! Que la margrave

douairière de Bareith endosse le manteau tragique, qu'elle mette sa

grosse vilaine jambe dans le cothurne, et qu'elle fasse trois pas sur les

planches; nous verrons une étrange princesse! Et que crois-tu qu'elle fit

dans sa petite cour d'Erlangen, au temps où elle croyait régner? Elle

essayait de se draper en reine, et elle suait sang et eau pour jouer un

rôle au-dessus de ses forces. Elle était née pour faire une vivandière,

et, par une étrange méprise, la destinée en avait fait une altesse. Aussi

a-t-elle mérité mille sifflets lorsqu'elle faisait l'altesse à contre-sens.

Et toi, sotte enfant, Dieu t'a faite reine; il t'a mis au front un diadème

de beauté, d'intelligence et de force. Que l'on te mène au milieu d'une

nation libre, intelligente et sensible (je suppose qu'il en existe de

telles!), et te voilà reine, parce que tu n'as qu'à te montrer et à