37603.fb2 Consuelo - читать онлайн бесплатно полную версию книги . Страница 467

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caprices, nous ravale jusqu'à leur niveau?

--La dignité, la sainteté de l'art l'exigent, s'écria le maestro. Ils ont

fait de la scène du monde une bataille et de notre vie un martyre. Il faut

que nous nous battions, que nous versions notre sang par tous les pores,

pour leur prouver, tout en mourant à la peine, tout en succombant sous

leurs sifflets et leurs mépris, que nous sommes des dieux, des rois

légitimes tout au moins, et qu'ils sont de vils mortels, des usurpateurs

effrontés et lâches!

--O mon maître! comme vous les haïssez! dit Consuelo en frissonnant de

surprise et d'effroi: et pourtant vous vous courbez devant eux, vous les

flattez, vous les ménagez, et vous sortez par la petite porte du salon

après leur avoir servi respectueusement deux ou trois plats de votre génie!

--Oui, oui, répondit-le maestro en se frottant les mains avec un rire amer;

je me moque d'eux, je salue leurs diamants et leurs cordons, je les écrase

avec trois accords de ma façon, et je leur tourne le dos, bien content de

m'en aller, bien pressé de me délivrer de leurs sottes figures.

--Ainsi, reprit Consuelo, l'apostolat de l'art est un combat?

--Oui, c'est un combat: honneur au brave!

--C'est une raillerie contre les sots?

--Oui, c'est une raillerie: honneur à l'homme d'esprit qui sait la faire

sanglante!

--C'est une colère concentrée, une rage de tous les instants?

--Oui, c'est une colère et une rage: honneur à l'homme énergique qui ne

s'en lasse pas et qui ne pardonne jamais!

--Et ce n'est rien de plus?

--Ce n'est rien de plus en cette vie. La gloire du couronnement ne vient

guère qu'après la mort pour le véritable génie.

--Ce n'est rien de plus en cette vie? Maître, tu en es bien sûr?

--Je te l'ai dit!

--En ce cas, c'est bien peu de chose, dit Consuelo en soupirant et en

levant les yeux vers les étoiles brillantes dans le ciel pur et profond.

--C'est peu de chose? Tu oses dire, misérable coeur, que c'est peu de

chose? s'écria le Porpora en s'arrêtant de nouveau et en secouant avec

force le bras de son élève, tandis que Joseph, épouvanté, laissait tomber

sa torche.

--Oui, je dis que c'est peu de chose, répondit Consuelo avec calme et

fermeté; je vous l'ai dit à Venise dans une circonstance de ma vie qui

fut bien cruelle et décisive. Je n'ai pas changé d'avis. Mon coeur n'est

pas fait pour la lutte, et il ne saurait porter le poids de la haine

et de la colère; il n'y a pas un coin dans mon âme où la rancune et la

vengeance puissent trouver à se loger. Passez, méchantes passions!

brûlantes fièvres, passez loin de moi! Si c'est à la seule condition de

vous livrer mon sein que je dois posséder la gloire et le génie, adieu

pour jamais, génie et gloire! allez couronner d'autres fronts et embraser

d'autres poitrines; vous n'aurez même pas un regret de moi!»

Joseph s'attendait à voir le Porpora éclater d'une de ces colères à la fois

terribles et comiques que la contradiction prolongée soulevait en lui. Déjà

il tenait d'une main le bras de Consuelo pour l'éloigner du maître et la

soustraire à un de ces gestes furibonds dont il la menaçait souvent, et

qui n'amenaient pourtant jamais rien... qu'un sourire ou une larme. Il en