37603.fb2 Consuelo - читать онлайн бесплатно полную версию книги . Страница 476

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énorme, et, tout en marchant lentement entre ses deux jeunes protégés, il

interrogea Consuelo avec une douceur et un retour d'affection sympathique

qu'il oublia peu à peu de combattre en lui-même. Elle lui raconta

rapidement, et sans lui nommer personne, les principales circonstances

de sa vie; ses fiançailles au lit de mort de sa mère avec Anzoleto,

l'infidélité de celui-ci, la haine de Corilla, les outrageants desseins

de Zustiniani, les conseils du Porpora, le départ de Venise, l'attachement

qu'Albert avait pris pour elle, les offres de la famille de Rudolstadt,

ses propres hésitations et ses scrupules, sa fuite du château des Géants,

sa rencontre avec Joseph Haydn, son voyage, son effroi et sa compassion au

lit de douleur de la Corilla, sa reconnaissance pour la protection accordée

par le chanoine à l'enfant d'Anzoleto; enfin son retour à Vienne, et

jusqu'à l'entrevue qu'elle avait eue la veille avec Marie-Thérèse. Joseph

n'avait pas su jusque-là toute l'histoire de Consuelo; elle ne lui avait

jamais parlé d'Anzoleto, et le peu de mots qu'elle venait de dire de son

affection passée pour ce misérable ne le frappa pas très-vivement; mais

sa générosité à l'égard de Corilla, et sa sollicitude pour l'enfant, lui

firent une si profonde impression, qu'il se détourna pour cacher ses

larmes. Le chanoine ne retint pas les siennes. Le récit de Consuelo,

concis, énergique et sincère, lui fit le même effet qu'un beau roman qu'il

aurait lu, et justement il n'avait jamais lu un seul roman, et celui-là fut

le premier de sa vie qui l'initia aux émotions vives de la vie des autres.

Il s'était assis sur un banc pour mieux écouter, et quand la jeune fille

eut tout dit, il s'écria:

«Si tout cela est la vérité, comme je le crois, comme il me semble que

je le sens dans mon coeur, par la volonté du ciel, vous êtes une sainte

fille... Vous êtes sainte Cécile revenue sur la terre! Je vous avouerai

franchement que je n'ai jamais eu de préjugé contre le théâtre, ajouta-t-il

après un instant de silence et de réflexion, et vous me prouvez qu'on peut

faire son salut là comme ailleurs. Certainement, si vous persistez à être

aussi pure et aussi généreuse que vous l'avez été jusqu'à ce jour, vous

aurez mérité le ciel, mon cher Bertoni!... Je vous le dis comme je le

pense, ma chère Porporina!

--Maintenant, monsieur le chanoine, dit Consuelo en se levant, donnez-moi

des nouvelles d'Angèle avant que je prenne congé de Votre Révérence.

--Angèle se porte bien et vient à merveille, répondit le chanoine. Ma

jardinière en prend le plus grand soin, et je la vois à tout instant qui

la promène dans mon parterre. Elle poussera au milieu des fleurs, comme

une fleur de plus sous mes yeux, et quand le temps d'en faire une âme

chrétienne sera venu, je ne lui épargnerai pas la culture. Reposez-vous

sur moi de ce soin, mes enfants. Ce que j'ai promis à la face du ciel, je

l'observerai religieusement. Il paraît que madame sa mère ne me disputera

pas ce soin; car, bien qu'elle soit à Vienne, elle n'a pas envoyé une seule

fois demander des nouvelles de sa fille.

--Elle a pu le faire indirectement, et sans que vous l'ayez su, répondit

Consuelo; je ne puis croire qu'une mère soit indifférente à ce point. Mais

la Corilla brigue un engagement au théâtre de la cour. Elle sait que Sa

Majesté est fort sévère, et n'accorde point sa protection aux personnes

tarées. Elle a intérêt à cacher ses fautes, du moins jusqu'à ce que son

engagement soit signé. Gardons-lui donc le secret.