37603.fb2 Consuelo - читать онлайн бесплатно полную версию книги . Страница 499

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La pauvre enfant fut fort effrayée au seul nom de la Prusse, et celui du

grand Frédéric lui donna le frisson. Depuis l'aventure du déserteur,

elle ne se représentait plus ce monarque si vanté que comme un ogre et un

vampire. Le Porpora la gronda beaucoup du peu de joie qu'elle montrait à

l'idée de ce nouvel engagement; et, comme elle ne pouvait pas lui raconter

l'histoire de Karl et les prouesses de M. Mayer, elle baissa la tête et se

laissa morigéner.

Lorsqu'elle y réfléchit cependant, elle trouva dans ce projet quelque

soulagement à sa position: c'était un ajournement à sa rentrée au théâtre,

puisque l'affaire pouvait échouer, et que, dans tous les cas, le Porporino

demandait trois mois pour la conclure. Jusque-là elle pouvait rêver à

l'amour du comte Albert, et trouver en elle-même la forte résolution d'y

répondre. Soit qu'elle en vînt à reconnaître la possibilité de s'unir à

lui, soit qu'elle se sentît incapable de s'y déterminer, elle pouvait tenir

avec honneur et franchise l'engagement qu'elle avait pris d'y songer sans

distraction et sans contrainte.

Elle résolut d'attendre, pour annoncer ces nouvelles aux hôtes de

Riesenburg, que le comte Christian répondît à sa première lettre; mais

cette réponse n'arrivait pas, et Consuelo commençait à croire que le vieux

Rudolstadt avait renoncé à cette mésalliance, et travaillait à y faire

renoncer Albert, lorsqu'elle reçut furtivement de la main de Keller une

petite lettre ainsi conçue:

«Vous m'aviez promis de m'écrire; vous l'avez fait indirectement en

confiant à mon père les embarras de votre situation présente. Je vois que

vous subissez un joug auquel je me ferais un crime de vous soustraire;

je vois que mon bon père est effrayé pour moi des conséquences de votre

soumission au Porpora. Quant à moi, Consuelo, je ne suis effrayé de rien

jusqu'à présent, parce que vous témoignez à mon père du regret et de

l'effroi pour le parti qu'on vous engage à prendre; ce m'est une preuve

suffisante de l'intention où vous êtes de ne pas prononcer légèrement

l'arrêt de mon éternel désespoir. Non, vous ne manquerez pas à votre

parole, vous tâcherez de m'aimer! Que m'importe où vous soyez, et ce qui

vous occupe, et le rang que la gloire ou le préjugé vous feront parmi les

hommes, et le temps, et les obstacles qui vous retiendront loin de moi, si

j'espère et si vous me dites d'espérer? Je souffre beaucoup, sans doute,

mais je puis souffrir encore sans défaillir, tant que vous n'aurez pas

éteint en moi l'étincelle de l'espérance.

«J'attends, je sais attendre! Ne craignez pas de m'effrayer en prenant du

temps pour me répondre; ne m'écrivez pas sous l'impression d'une crainte ou

d'une pitié auxquelles je ne veux devoir aucun ménagement. Pesez mon destin

dans votre coeur et mon âme dans la vôtre, et quand le moment sera venu,

quand vous serez sûre de vous-même, que vous soyez dans une cellule de

religieuse ou sur les planches d'un théâtre, dites-moi de ne jamais vous

importuner ou d'aller vous rejoindre... Je serai à vos pieds, ou je serai

muet pour jamais, au gré de votre volonté.

«ALBERT.»

«O noble Albert! s'écria Consuelo en portant ce papier à ses lèvres, je

sens que je t'aime! Il serait impossible de ne pas t'aimer, et je ne veux

pas hésiter à te le dire; je veux récompenser par ma promesse la constance

et le dévouement de ton amour.»