37603.fb2
Tu non apri il tuo cor, etc.[1]
[Note 1: Non, Bérénice, tu n'ouvres pas ici franchement ton coeur.]
A quoi Corilla répondit par ceux-ci:
«E ti par poco,
«Quel che sai de miei casi?»[2]
[Note 2: Ce que tu sais de mes aventures te paraît-il donc peu de chose?]
En cet endroit, la Corilla fut interrompue par un grand éclat de rire de
Caffariello; et, se tournant vers lui avec des yeux étincelants de colère:
«Que trouvez-vous donc là de si plaisant? lui demanda-t-elle.
--Tu l'as très-bien dit, ma grosse Bérénice, répondit Caffariello en riant
plus fort; on ne pouvait pas le dire plus sincèrement.
--Ce sont les paroles qui vous amusent? dit Holzbaüer, qui n'eût pas été
fâché de redire à Métastase les plaisanteries du sopraniste sur ses vers.
--Les paroles sont belles, répondit sèchement Caffariello, qui connaissait
bien le terrain; mais leur application en cette circonstance est si
parfaite, que je ne puis m'empêcher d'en rire.»
Et il se tint les côtes, en redisant au Porpora:
«E ti par poco,
Quel che sai di _tanti_ casi?»
La Corilla, voyant quelle critique sanglante renfermait cette allusion à
ses moeurs, et tremblante de colère, de haine et de crainte, faillit
s'élancer sur Consuelo pour la défigurer; mais la contenance de cette
dernière était si douce et si calme, qu'elle ne l'osa pas. D'ailleurs, le
faible jour qui pénétrait sur le théâtre venant à tomber sur le visage de
sa rivale, elle s'arrêta frappée de vagues réminiscences et de terreurs
étranges. Elle ne l'avait jamais vue au jour, ni de près, à Venise. Au
milieu des douleurs de l'enfantement, elle avait vu confusément le petit
Zingaro Bertoni s'empresser autour d'elle, et elle n'avait rien compris
à son dévouement. En ce moment, elle chercha à rassembler ses souvenirs,
et, n'y réussissant pas, elle resta sous le coup d'une inquiétude et d'un
malaise qui la troublèrent durant toute la répétition. La manière dont la
Porporina chanta sa partie ne contribua pas peu à augmenter sa méchante
humeur, et la présence du Porpora, son ancien maître, qui, comme un juge
sévère, l'écoutait en silence et d'un air presque méprisant, lui devint
peu à peu un supplice véritable. M. Holzbaüer ne fut pas moins mortifié
lorsque le maestro déclara qu'il donnait les mouvements tout de travers;
et il fallut bien l'en croire, car il avait assisté aux répétitions que
Hasse lui-même avait dirigées à Dresde, lors de la première mise en scène
de l'opéra. Le besoin qu'on avait d'un bon conseil fit céder la mauvaise
volonté et imposa silence au dépit. Il conduisit toute la répétition,
apprit à chacun son devoir, et reprit même Caffariello, qui affecta
d'écouter ses avis avec respect pour leur donner plus de poids vis-à-vis
des autres. Caffariello n'était occupé qu'à blesser la rivale impertinente
de madame Tesi et rien ne lui coûtait ce jour-là pour s'en donner le
plaisir, pas même un acte de soumission et de modestie. C'est ainsi que,
chez les artistes comme chez les diplomates, au théâtre comme dans le
cabinet des souverains, les plus belles et les plus laides choses ont leurs
causes cachées infiniment petites et frivoles.
En rentrant après la répétition, Consuelo trouva Joseph tout rempli d'une